Attention, chefs-d’oeuvre
Grand voyageur et aventurier des lettres, Robert Challe renouvela l’art du récit à travers ses Illustres Françaises. Paru anonymement à La Haye en 1713, ce « roman » influença l’abbé Prévost, Diderot, Marivaux, Sade, Restif ainsi que l’Anglais Richardson. Au
xixe siècle, le pénétrant Champfleury considérait même Robert Challe comme un précurseur de Balzac ! Ce livre aurait pu suffire à assurer sa gloire, mais notre auteur laissa un autre chef-d’oeuvre : son journal de navigation de Lorient à Pondichéry, reportage égotiste, remuant, pittoresque, sur la mission à laquelle il participa à partir de 1690, à l’âge de 31 ans, laquelle se proposait de relancer le commerce des Indes et de donner la chasse aux navires concurrents anglais et hollandais. S’il a vécu pleinement son existence, Robert Challe était par-dessus tout homme de lettres. Méprisant « la gloire d’être auteur », décidé à « vivre pauvre et inconnu », il entretint un scrupuleux mystère sur tout ce qui le concernait. Alors, qui était-il ?
Avec ce Robert Challe et les écritures du moi, Driss Aïssaoui s’emploie à démontrer que notre écrivain ne cesse de livrer des renseignements autobiographiques à travers ses ouvrages. Cette thèse pourrait sans aucun doute s’appliquer à beaucoup de romans, sinon à tous. Et s’il est regrettable que les articles et études universitaires qui concernent Robert Challe soient plus nombreux que ses véritables lecteurs, espérons que ce nouveau livre lui amènera enfin le public enthousiaste et naïf que méritent ses chefs-d’oeuvre.