SOI-MÊME COMME UN ROI
C’est une voix forte et claire qui s’élève contre « une folie ». Élisabeth Roudinesco, qui dénonce, dans Soi-même comme
un roi, « l’insulte [qui] tient bien souvent lieu d’arguments
dans cette guerre identitaire », sait – comme Thomas Chatterton Williams [voir interview page 116] – que son livre va provoquer des réactions plus qu’épidermiques, puisque d’épiderme il est justement question dans cet entre-soi victimaire qui se développe dans nos sociétés. Elle critique ses zélateurs qui n’hésitent pas à tordre Deleuze, à mésinterpréter Foucault, à détourner Lacan ou à réinterpréter Fanon à outrance. Alors, Élisabeth Roudinesco prend soin de remettre chacun de ces penseurs dans sa justesse, invoquant la controverse Lévi-Strauss/Caillois, l’anticolonialisme de Sartre ou les écrits d’Hugo pour contrer les accusations de racisme et les velléités de déboulonnage de statues [voir la critique du livre Les Statues de la discorde page 117]. La psychanalyste analyse les concepts, les écrits des tenants de ces théories et les mots employés, renvoyant par exemple dos à dos « islamophobie » et « islamo-gauchisme ». Extrêmement critique envers les Indigènes de la République et leur logique de séparation, elle n’en oublie pas pour autant les dérives identitaires d’une droite hantée par « le grand remplacement », incarnée par un Éric Zemmour, « historien identitaire de haut niveau ». Très accessible, pédagogique et érudit, cet ouvrage est une lecture nécessaire pour contrer la propagation de l’obsession identitaire de droite, les dérives du genre et les aberrations de la cancel culture.