PRÉSENCE DES ABSENTS
Derrière vous… un fantôme! Les crises, les épidémies sont propices au retour du surnaturel. Philippe Charlier, dans son Autopsie des
fantômes, l’explique ainsi: toutes les épidémies, les vagues de morts au même endroit, au même moment, aboutissent généralement à des sépultures de catastrophe et donc à la peur de l’enterré vivant qui revient sous forme de fantôme, de spectre ou de vampire. La peur d’enterrer quelqu’un par erreur est moins prégnante mais la crise, le doute vis-à-vis des institutions, bien vivaces, ouvrent la voie à toutes les croyances. Vouloir communiquer avec avec les morts est une constante de l’histoire de l’humanité. Aux fantômes drapés de blanc se sont substitués les esprits qui frappent ou font bouger les tables.
Docteur en médecine et docteur ès lettres, l’auteur nous raconte, avec talent, la fièvre spirite venue du monde anglo-saxon et qui contamine l’Europe à partir du milieu du
xixe siècle. Les « tables qui dansent » passionnent toute une époque. De Sir Arthur Conan Doyle, moqué pour sa croyance en l’existence des fées, à Victor Hugo, qui pensait communiquer avec Shakespeare et avec sa chère Léopoldine, c’est toute une partie de la société qui a voulu abolir les frontières du visible et de l’invisible. Nous y adhérons peut-être moins aujourd’hui, même si la crise sanitaire ramène nos rêves de vie augmentée, à défaut d’éternelle, à la réalité d’un virus mutant tristement mortel et donc à nos disparus. Heureusement nous restent les fantômes vengeurs, amoureux ou désespérés, qui hantent la littérature.