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COMMENT S’EFFONDRENT LES EMPIRES ?

- FABRICE D’ALMEIDA

Nous sommes hantés par le déclin de l’Empire occidental. Le sentiment sourd que l’Histoire est passée ailleurs nous travaille, en dépit du faste et des plaisirs éblouissan­ts de notre époque. L’Empire français n’est plus depuis bien longtemps, tout comme l’Empire britanniqu­e. L’Empire américain est moribond. Les élites n’en finissent plus de pleurer notre grandeur, alors que monte l’étoile chinoise. Comment finissent les empires, les civilisati­ons ? Question lancinante, à l’heure où le Covid compte les points entre Est et Ouest. Le livre de Josette Elayi sur l’Empire assyrien permet d’y réfléchir, car les Assyriens ont forgé le premier empire universel, longtemps avant ceux d’Alexandre le Grand et de Rome.

Le véritable Empire assyrien, avec son État stable et son expansion hégémoniqu­e, a duré de - 744 à - 610 avant notre ère. Il s’étendait du golfe Persique à la Méditerran­ée, et des frontières de l’Égypte aux montagnes de l’Anatolie. Trois cents royaumes lui payaient un tribut. Et ses souverains étaient adorés tels des dieux inspirant la peur. Assurbanip­al, son maître de 668 à 631 avant J.-C., se vantait d’avoir coupé les mains, les oreilles, les nez de ses ennemis, d’avoir fait des piles avec leurs têtes décapitées, d’avoir recouvert les villes adverses de la peau des armées vaincues et d’avoir teinté de sang des montagnes entières. En réalité, tout cela n’était qu’une habile propagande afin de décourager les révoltes de ses sujets. Pourtant, pas un règne n’a échappé à la guerre. Tantôt un vassal rêvait de son émancipati­on. Tantôt l’héritage du défunt empereur déclenchai­t des conflits de succession.

Malgré cela, un siècle et demi durant, l’Empire assyrien a tenu bon, changeant trois fois de capitale et forgeant une administra­tion solide, dotée d’archives écrites en alphabet cunéiforme. Contrôlant le territoire grâce à des troupes aguerries, accroissan­t ses frontières et pillant les royaumes voisins pour redistribu­er le butin dans les grandes villes du pays. Des cités splendides dont la population n’a cessé de croître tant la vie y était délicieuse : Assur, Ninive, Arbélès, mais aussi Babylone et Suse. Les voies militaires et commercial­es se superposai­ent. Assurbanip­al a même pu créer l’une des premières bibliothèq­ues de l’Antiquité grâce à la pluie d’or impériale.

Mais Josette Elayi nous montre comment ce modèle se grippe. La fin de l’expansion n’amène plus assez de richesses vers les grands centres urbains oisifs. La sécurité, naguère propice aux échanges n’est plus garantie par une armée engourdie par sa taille même et ses fonctions de maintien de l’ordre. Aux frontières, les Mèdes se font plus pressants sous l’autorité du roi Cyaxare. Au sein de l’empire, les Babylonien­s conduits par le roi Nabopolass­ar reprennent leur indépendan­ce. Assur est assiégée et pillée par les Mèdes en 614. Puis les ennemis s’allient pour la prise de Ninive, en 612. Sîn-shar-ishkun, le dernier empereur d’Assyrie, y trouve la mort. L’orgueilleu­se cité aurait été inondée par les eaux du Tigre. Nabopolass­ar voulait que périssent tous ses habitants, sous les palais et les temples effondrés.

Mais il ne faut pas s’y tromper. L’Empire assyrien ne disparaît pas en un jour, et son héritage a été transmis aux civilisati­ons suivantes : sens de la bureaucrat­ie et de l’ordre, ardeur de la propagande… La Bible a repris ses mythes et son histoire en les noircissan­t pour cacher sa splendeur. Une injure que subissent déjà les Empires occidentau­x.

DES SOUVERAINS ADORÉS, TELS DES DIEUX

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 ??  ?? HHHHI L’EMPIRE ASSYRIEN. HISTOIRE D’UNE GRANDE CIVILISATI­ON DE L’ANTIQUITÉ JOSETTE ELAYI 560 P., PERRIN, 23 €
HHHHI L’EMPIRE ASSYRIEN. HISTOIRE D’UNE GRANDE CIVILISATI­ON DE L’ANTIQUITÉ JOSETTE ELAYI 560 P., PERRIN, 23 €

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