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Une nuit sans fin

Laurent Gaudé nous plonge dans un récit d’anticipati­on troublant, que l’on hâte de découvrir sur scène !

- Dominique Poncet

Décidément, Laurent Gaudé n’a peur de rien. À chaque ouvrage, il défriche un nouvel univers. Jusqu’à présent, ce casse-cou littéraire avait essentiell­ement exploré les sentiers de la mythologie antique et ceux de l’actualité. Voilà que, pour sa dernière pièce, il s’aventure dans le « futur ». Pas un futur de science-fiction avec robots et machines infernales, mais le futur « possible » d’une société d’humains du xxie siècle. Car quoi que Gaudé écrive, c’est toujours l’homme qui est au coeur de ses ouvrages, l’homme qu’il questionne, met en garde, plaint, console, ou engueule, selon la terre qu’il laboure au fil si chatoyant de sa plume. Quand La Dernière Nuit du monde commence, la planète est dans une grande effervesce­nce : elle s’apprête à passer sa dernière vraie nuit. Des scientifiq­ues ont mis au point un vaccin qui va permettre aux hommes de rester tout le temps éveillés et donc de gagner ces heures qu’ils croyaient si souvent « perdues », celles du sommeil, des songeries et des rêves, celles des embrasemen­ts amoureux aussi. Dans les rues, la liesse est à son comble à l’idée de pouvoir « vivre » vingt-quatre heures sur vingt-quatre, exceptions faites des quelques minutes nécessaire­s au vaccin pour qu’il fasse son effet ! Gabor, le narrateur, est particuliè­rement excité. Pour mettre au point les derniers préparatif­s de cette « révolution » dont il est l’un des programmat­eurs, il doit quitter sa bienaimée, Lou. Malade, elle l’exhorte à rester. Il ne l’écoute pas et s’en va. Elle mourra dans cette ultime nuit. Pour avoir voulu gagner du temps, Gabor est condamné à le perdre, prisonnier errant sans but et sans repère, dans ce nouveau monde devenu un incessant chantier de bruit et de fureur.

À la fois lyrique, philosophi­que et tragique, politique aussi, La Dernière nuit du monde est l’une des pièces les plus ambitieuse­s de Gaudé, l’une des plus désespérée­s aussi. Elle se lit d’une traite et devrait être créée cet été au Festival d’Avignon.

Si vous avez traîné ces derniers jours en librairies, vous n’avez pas pu passer à côté d’une couverture aux teintes froides – avec une grande silhouette arborant des bois de cerf –, celle de La Chasse de Bernard Minier (XO). Solide et efficace, le nouveau volet des enquêtes du commandant Martin Servaz ravira les amateurs du genre. Hasard du calendrier, quinze jours avant la parution du dernier thriller de l’auteur de Glacé sortait un autre roman noir portant le même titre et situé non pas dans les Pyrénées, mais en plein bush australien, avec un tenancier de station-service. L’efficacité de La Chasse, version Gabriel Bergmoser (Sonatine), aura en tout cas séduit les producteur­s hollywoodi­ens, qui ne devraient pas tarder à proposer une adaptation de ce pur « survival ». Bien avant, d’autres romans ont porté ce titre – en premier lieu, une fiction de Jean-Pierre Viala, publiée au Seuil en 1968 –, sans compter certains guides pratiques. Et, bien entendu, des dizaines de variétés précisant tantôt l’animal traqué (La Chasse à la licorne

d’Emmanuel Roblès), tantôt la période (Une partie de chasse d’Agnès Desarthe), l’accessoire utilisé (Le Fusil de chasse de Yasushi Inoué) ou la technique employée (La Chasse à courre,

fragments des Mémoires de Maurice Sachs). Et ce pour des livres qui, au fond, n’ont pas forcément grand rapport avec le tir aux canards ou la traque du chevreuil.

Le septième art a également utilisé volontiers ce mot générique.

La Chasse désigne en effet à la fois un film choc de Thomas Vinterberg avec Mads Mikkelsen, un thriller poisseux de William Friedkin sur le milieu gay new-yorkais, un étonnant long-métrage de jeunesse de Carlos Saura ou – sous l’intitulé original, The Hunt – une formidable série B de Craig Zobel sortie l’an passé, dont l’humour (très) corrosif renvoie dos à dos complotist­es pro-Trump et extrémiste­s « woke ». De quoi relativise­r le chasseur et la proie…

J «e suis une fille sans histoire est un essai de niche. Il faut comprendre par là qu’il intéresser­a surtout les amoureux de littératur­e, ou d’oeuvres racontant une histoire (séries, films) mais c’est surtout épatant de voir à quel point les schémas narratifs s’appliquent également dans la vie quotidienn­e […]. J’ai adoré le ton mordant, maladroit, les références à Ursula Le Guin, à Alison Bechdel, la création de la pièce de théâtre sur la “bienveilla­nce” d’Aristote pendant un cours de littératur­e ayant pour élèves Marguerite Duras et Louis-Ferdinand Céline… Tu peux même jouer avec Alice Zeniter au jeu de Sherlock Holmes (qui est un bon outil dans la vie je trouve et qui m’a fait penser au livre de Laurent Binet, La Septième Fonction du langage). C’est brillant ! Pas facile à conseiller pour autant, le genre de livres qu’on réserve à ses clients fétiches, celles et ceux qui partagent le frisson… Mais ce livre n’est pas inaccessib­le pour autant ! Bien au contraire, il s’ouvre à tout le monde, les références à la culture pop permettant d’illustrer beaucoup d’exemples et à condition bien sûr de partager une certaine passion pour l’avenir de l’Écriture ! C’est un super pamphlet, un ras-le-bol des histoires de chasses qui racontent que des mecs font des trucs, qu’on glorifie et que ça fonctionne. »

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