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L’Irlande à coeur

Ils sont de la même génération, et creusent une oeuvre des plus complément­aires sur leur pays. Focus sur leur nouveau roman respectif.

- Donal Ryan - John Boyne Hubert Artus

Nous avions connu et aimé Ryan avec ses trois romans se déroulant dans son comté natal de Tipperary : Le coeur qui tourne (2015, livre de l’année en Irlande et finaliste du Man Booker Prize), puis Une année dans la vie de Johnsey Cunliffe (2017) et Tout ce que nous allons savoir (2019). Par une mer basse et tranquille élargit sa palette, avec une structure chorale dont les lignes se rejoignent pour une tragédie bouleversa­nte.

C’est d’abord Farouk, médecin syrien, qui a décidé de quitter son pays en guerre avec femme et enfant. Et les problèmes ne font que commencer. La partie suivante nous ramène en Irlande avec Lampy, chauffeur de minibus pour séniors dans une maison de retraite. En plein chagrin d’amour, il vit avec sa mère et son grand-père et, ici, les liens familiaux sont tissés d’épineux reproches. Cette partie constitue un pont entre la première et la troisième : un vieux lobbyste en appelle à Dieu pour demander pardon d’agissement­s peu à peu dévoilés. Trois histoires aux tons narratifs distincts qui convergent vers une dernière partie, bouleversa­nte, avec son lot de révélation­s et d’émotions. SCANDALES SEXUELS CHEZ LES PRÊTRES Émotions, aussi, chez son aîné John Boyne dont ce livre, Il n’est pire aveugle, a paru en 2014 en Irlande – le huitième de ses dix romans. Il précédait en fait le remarqué Fureurs invisibles du coeur (2018). Tous deux partagent d’ailleurs une colère commune contre l’Église irlandaise. L’homophobie de cette dernière était au coeur de Fureurs ; il s’agit ici de défendre la cause des enfants ayant subi des agressions sexuelles. Le roman débute en 2001, et se déroule non chronologi­quement de 1964 à 2013, frondant contre le poids d’une tradition qui a entravé la liberté des individus et des familles. On est porté par la voix d’Oran Yates, devenu prêtre en 1978. À la suite d’une tragédie familiale. Un homme rongé par les scandales sexuels qui touchent de plus en plus de prêtres. Et remettent en question son courage comme… sa propre attitude. C’est aussi bien la vie religieuse que la vie publique et politique de ses citoyens que scrute Boyne. Deux plumes différente­s, mais deux romans qui en appellent au spirituel. HHHHI PAR UNE MER BASSE ET TRANQUILLE (FROM A LAW AND QUIET SEA) DONAL RYAN TRADUIT DE L’ANGLAIS (IRLANDE) PAR MARIE HERMET, 256 P., ALBIN MICHEL, 21,90 €

HHHII IL N’EST PIRE AVEUGLE (A HISTORY OF LONELINESS) JOHN BOYNE TRADUIT DE L’ANGLAIS (IRLANDE) PAR SOPHIE ASLANIDES, 380 P., LATTÈS, 22,90 €

O «n part à l’aventure tous les deux » , lui avait dit son père, et Dolly n’avait aucune raison de ne pas le croire. Aucune, si ce n’est l’absence de sa mère, « partie en week-end avec ses copines », et quelques mots à ne pas prononcer, comme « divorce » ou

« Los Angeles ». Tandis que les kilomètres défilent, que les motels et les snack-bars se suivent et se ressemblen­t, Dolly s’inquiète : « C’est encore loin pour l’aventure ? » Elle ignore alors que sa mère est portée disparue, son père recherché, et que ce jour qu’elle pensait « le plus beau de sa vie » résulte d’un acte désespéré. Repérée avec le glaçant La vie dont nous rêvions, Michelle Sacks récidive dans le genre noir en adoptant dans,

Là où vont les belles choses, le point de vue d’une enfant dont le quotidien se fissure, victime de la duplicité des adultes. À travers le regard et les mots de Dolly, le lecteur recompose le tableau d’une famille brisée par le mensonge et le surendette­ment. Le road-trip est parfois un peu long, mais traduit avec force la capacité de résilience de l’enfance.

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Donal Ryan John Boyne
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LES BELLES CHOSES (ALL THE LOST THINGS) MICHELLE SACKS TRADUIT DE L’ANGLAIS (AFRIQUE DU SUD) PAR ROMAIN GUILLOU, 272 P., BELFOND, 22 €. EN LIBRAIRIES LE 6 MAI.
HHHII LÀ OÙ VONT LES BELLES CHOSES (ALL THE LOST THINGS) MICHELLE SACKS TRADUIT DE L’ANGLAIS (AFRIQUE DU SUD) PAR ROMAIN GUILLOU, 272 P., BELFOND, 22 €. EN LIBRAIRIES LE 6 MAI.

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