Quand la musique dénote
Après Mozart, Beethoven est l’autre enfant prodige de la partition et du piano que l’auteur allemand raconte avec fougue et entrain.
Ne pas se fier au titre de cet album qui ferait croire à un récit schizophrénique, un « je » en miroir ou une tentative pour séparer l’homme de l’artiste. Ludwig et Beethoven est bien l’histoire du compositeur allemand*, héros de la Neuvième Symphonie, pianiste et sourd, élève de Haydn, fan de Mozart, situé, selon les spécialistes, entre le classicisme et le romantisme, génie précoce et belle chevelure – ça fait beaucoup, mais l’homme a de l’envergure. Mikaël Ross a intitulé son album ainsi parce qu’il s’intéresse au petit Ludwig qui se déploie en Beethoven, le récit allant de 1778 (le garnement, c’en est un, a 8 ans) à 1795, époque à laquelle il fait définitivement le buzz avant de s’installer en haut de la portée.
Le génie de Beethoven se nourrissait certainement des excès de Ludwig, gamin colérique issu d’une famille modeste, capable d’une grande prétention et bouffé par le doute. Derrière l’aspect historico-pédago de l’album (le béotien apprend moult choses, merci), Ross retranscrit, en un dessin expressif et vivant, loin du courant réaliste, l’énergie déployée par Ludwig pour s’imposer dans un monde musical souvent réticent à accepter la précocité. Les couleurs sont retenues, le récit prend son temps, c’est heureux (196 pages au compteur), les cadrages toujours près d’exploser, le trait, proche d’un Sfar, s’arrête avant la caricature mais sait jouer de l’humour, et la musique déborde en de grands mouvements colorés qui figurent un imaginaire sans limites. * Également à l’honneur de La Passion
de la fraternité d’Erik Orsenna (Stock – voir notre grand entretien page 6).