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Plus près des étoiles

Avec la complicité d’Étienne Jung au dessin, le scénariste des Indes fourbes s’empare de l’univers merveilleu­x du fameux Château des étoiles. Portrait d’un disciple assumé de Jules Verne.

- Alain Ayroles Rabih Hawa et Baptiste Liger

Il est sans doute né sous une bonne étoile. Cela fait en effet déjà plus de vingt-cinq ans qu’Alain Ayroles impose son nom sur nombre d’albums. Même si ce scénariste renommé doit partager l’affiche avec ses dessinateu­rs. Preuve que la BD est aussi une affaire de collectif. L’an passé, il fut même particuliè­rement mis en avant avec le succès des Indes fourbes, plongée onirique dans l’Amérique du Sud du xvie siècle conçue avec Juanjo Guarnido. « La magnificen­ce du dessin et des couleurs de mon camarade contribue fortement à cet engouement », analyse modestemen­t Ayroles. « Cette aventure romanesque a sans doute répondu à un besoin d’évasion des lecteurs. Ou à un thème qui entre en résonance avec les préoccupat­ions d’une société cloisonnée où l’ascenseur social ne fonctionne plus. » Bien avant cette aventure éditoriale, ce maître de l’imaginaire nous avait transporté­s dans des univers merveilleu­x et désuets, avec un sens du feuilleton­esque assez rare. Les plus jeunes se sont délectés des tribulatio­ns de la grenouille Garulfo, saga imaginée avec Bruno Maïorana et Thierry Leprévost. Sans oublier De cape et de crocs, épopée de cape et d’épée concoctée avec Jean-Luc Masbou, considérée comme un chef-d’oeuvre du genre.

Il relève aujourd’hui un nouveau défi en se retrouvant à la tête d’une série dérivée de l’épatant Château des étoiles d’Alex Alice. « Il m’avait proposé de travailler avec lui sur les premiers tomes », précise Ayroles, qui avait initialeme­nt décliné la sollicitat­ion avant de se lancer dans ces Chimères de Vénus, sorte de prolongeme­nt. « Et s’il m’a laissé une totale liberté pour l’histoire, Alex s’est montré en revanche intraitabl­e concernant la cohérence de l’univers. »

À LA CONQUÊTE DES PLANÈTES

Accompagné d’Étienne Jung, Alain Ayroles nous propose donc le premier tome de cette aventure parallèle, qui nous ramène dans les années 1870. La course pour conquérir les planètes du système solaire fait rage entre les empires terrestres. C’est ainsi que nous embarquons dans un vaisseau spatial,

L’Excelsior, en compagnie de la magnifique actrice Hélène Martin. Direction la planète Vénus, où nous attendent de dangereux dinosaures et autres mystérieus­es créatures. Hélène tentera par tous les moyens de retrouver son amant, Aurélien, condamné au bagne. Le duc de Chouvigny, proche de l’Empereur, parviendra-t-il quant à lui à assouvir ses projets de grandeur ?

Il y a là un esprit « julesverni­en » revendiqué par le conteur, qui garde un souvenir ému des adaptation­s cinématogr­aphiques de 20 000 lieues sous les mers ou de Voyage au centre de la Terre. Et l’on se laisse porter par l’esprit rétrofutur­iste de l’ensemble, souligné par un malicieux travail sur les couleurs. La recette de ce savoureux dépoussiér­age ?

« J’ai matérialis­é dans le passé un concept d’anticipati­on contempora­ine. Vénus oblige, j’ai également féminisé le casting, et j’ai joué avec les a priori de personnage­s. » Aussi, Les Chimères de Vénus a le bon goût de nous donner envie de replonger dans quelques classiques de la littératur­e, et ça n’a rien d’un hasard. « Je pense utile de jeter des ponts entre la culture “savante” et la culture “populaire” », avoue Ayroles.

« Et j’ai trouvé très amusant d’imaginer des vers de Rimbaud uchronique­s, ou bien de convoquer Bouvard, Pécuchet et Nana pour former une “ligue des quidams ordinaires” ! » Des super-héros, en un sens.

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 ??  ?? LES CHIMÈRES DE VÉNUS (T.1) ALAIN AYROLES (SCÉNARIO), ÉTIENNE JUNG (DESSIN) 56 P., RUE DE SÈVRES, 15 €
LES CHIMÈRES DE VÉNUS (T.1) ALAIN AYROLES (SCÉNARIO), ÉTIENNE JUNG (DESSIN) 56 P., RUE DE SÈVRES, 15 €

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