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Une traversée du XXe siècle

Spécialist­e des manuscrits, l’auteure publie une biographie documentée et vivante, évoquant la personnali­té, la pensée et les engagement­s de l’écrivain et homme politique français Aimé Césaire.

- Gladys Marivat

Aimé Césaire. Le titre de la biographie de Kora Véron claque par sa simplicité. Il n’en dit pas moins l’immensité de la tâche que s’est fixée l’universita­ire et spécialist­e de l’écrivain né à la Martinique en 1913 et mort en 2008. Raconter en un seul livre celui qui fut l’un des pères de la négritude, avec Léon Gontran-Damas et Léopold Sédar Senghor, et le poète du Cahier d’un retour au pays natal ; l’essayiste du Discours sur le colonialis­me et le dramaturge de La Tragédie du roi Christophe ; le tandem formé avec son épouse Suzanne Césaire au sein de la revue Tropiques ; dire enfin les engagement­s de celui qui a cheminé avec les communiste­s, et fut député et maire de Fort-de-France pendant un demi-siècle avant un « très lent désengagem­ent ».

CHANGER POUR RESTER LE MÊME

Un homme sensible et complexe, qui a revendiqué ses contradict­ions. Éruptif aussi. Telle la montagne Pelée à Saint-Pierre qui détruisit la perle de la Martinique en mai 1902, mais aurait aussi investi le poète dans sa vocation. C’est à son pied que Kora Véron ouvre la biographie de Césaire, reprenant un vers de son Cahier : « Qui et quels nous sommes ? Admirable question ! » Chercheur à l’Institut des textes et manuscrits modernes (ITEM : ENS-CNRS) où elle dirige le groupe Aimé Césaire, Kora Véron connaît tout de lui, les faits et les mythes qu’il a tissés, souvent avec humour, autour de ses origines. Quelle histoire raconter ? Sa trajectoir­e intellectu­elle et politique qu’elle saisit à travers les secousses politiques et idéologiqu­es du xxe siècle. Et qui se lit comme un roman.

L’enfance sur les terres familiales de Basse-Pointe ; la vie qui commence vraiment ce jour de 1931 où il monte dans le Pérou, direction le lycée Louis-le-Grand ; le milieu estudianti­n antillais et africain de Paris qui permet à Césaire de fréquenter Senghor, Damas ainsi que les surréalist­es français, les exilés sud-américains et les intellectu­els afro-américains de la Harlem Renaissanc­e. Paris est à l’époque un débat vivant, alimenté par quantité de groupes et de revues. Élève au 45 rue d’Ulm, Césaire participe aux débats, se contredit et le revendique. Surtout, il écrit son mémoire de fin d’études en même temps que Cahier d’un retour au pays natal. Un patchwork de textes que Césaire assemble et réassemble « jusqu’à en être malade ». Son chef-d’oeuvre sera sa révolution intérieure. Ensuite, il n’aura de cesse de changer pour rester le même.

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AIMÉ CÉSAIRE KORA VÉRON 864 P., SEUIL, 29 €. EN LIBRAIRIES LE 6 MAI.

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