Flic ou voyou
Depuis Les Soldats de Salamine il y a tout juste vingt ans, Javier Cercas s’est affirmé comme l’une des plumes les plus éblouissantes d’Espagne. Livre après livre, il a bâti une littérature protéiforme au carrefour du roman historique, de l’enquête journalistique et du récit intime, et s’est amusé de la porosité entre réalité et fiction. Cette fois pourtant, l’écrivain ibérique s’essaye, par un surprenant contrepied, au roman policier et au noir. Terra Alta nous emmène sur les traces de Melchor Marin. Ancien malfrat devenu inspecteur pour venger le meurtre de sa mère, héros plein de sang-froid lors des attentats de Barcelone en août 2017, il se retrouve aux prises avec une sombre affaire.
À l’extrême sud de la Catalogne, sur les rives de l’Èbre, au coeur d’une terre qui porte encore les cicatrices de la guerre d’Espagne et qui est devenue l’un des bastions de l’indépendance catalane, les riches époux Adell ont été cruellement abattus. Par une habile construction alternant entre présent et passé, on suit de front l’enquête officielle sur ce meurtre mystérieux et l’enquête officieuse que Melchor Marin mène depuis des années pour confondre l’assassin de sa mère. Le romancier interroge avec une finesse psychologique impressionnante les questions de justice, de vengeance et de construction de soi, il explore le sujet brûlant de l’identité espagnole et nous offre un polar âpre et engagé dont l’ambiance rappelle parfois le film génial d’Alberto Rodriguez, La Isla Minima. Troublant.