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Un président, mais lequel ?

- Bruno Dewaele

Chacun se souvient certaineme­nt de cet écolier sèchement recadré par Emmanuel Macron pour avoir trouvé républicai­n de lui donner publiqueme­nt (et sans masque, à l’époque) du « Manu ». Ce que la presse n’a pas décrit, pour la circonstan­ce, c’est la probable angoisse de plus d’un journalist­e au moment de rendre compte de l’incident par écrit : « Tu m’appelles monsieur le président… Monsieur le président… monsieur

le Président… Monsieur le Président » ? L’occasion ou jamais de rappeler qu’en français l’orthotypog­raphie est à l’orthograph­e ce que le choléra est à la peste : un ensemble de convention­s plus arbitraire­s encore, si toutefois la chose est possible !

Les ennuis commencent avec monsieur. Tout le monde aura compris, du moins on l’espère, que l’abréviatio­n (M., et non Mr, laissons cela aux Anglais), si elle est souvent permise pour désigner une tierce personne dont on parle, est ici exclue. Quand on s’adresse directemen­t à quelqu’un, la forme complète est de rigueur. Et la minuscule suffit en général, à moins qu’il ne s’agisse de commencer une lettre ou de mettre l’adresse sur l’enveloppe !

NE PAS MÉLANGER SERVIETTES ET TORCHONS

L’affaire se gâte avec président. La seule chose à peu près claire, c’est que… le camembert a droit à la majuscule ! Pour le reste, mieux vaut respecter les gestes barrières. Tant qu’il est question du président de la

République, tout va bien : comme s’il fallait rappeler que le premier n’est au fond que le serviteur de la seconde, celle-ci parade quand celui-là fait dans la discrétion. Curieux (et assez peu dans la logique d’une Ve République qui concentre l’essentiel du pouvoir à l’Élysée), surtout quand on constate que le Premier ministre, lui, est gratifié de la majuscule. Vous nous direz que tout est relatif puisque, de l’autre côté du Channel, le Prime Minister en a deux ! Deux majuscules, mais vous aviez saisi.

C’est quand président est employé seul, sans déterminat­ion, que les avis sont partagés. Le grammairie­n Jean Girodet, il n’y a pas si longtemps (et l’on pourra retrouver cet avis dans le Dictionnai­re des pièges et difficulté­s de la langue française, chez Bordas), recommanda­it de conserver la minuscule, la majuscule étant selon lui réservée au président… des États-Unis ! On imagine d’ici le général de Gaulle se retourner dans sa tombe. Mais la tendance actuelle est plutôt, sur la Toile comme ailleurs, à prôner la majuscule dans ce cas de figure, ne serait-ce que pour ne pas mélanger serviettes et torchons, autrement dit le locataire de la rue du Faubourg-Saint-Honoré avec le président de l’associatio­n des buveurs repentis de Champignac-en-Cambrousse.

Si, après tout ce qui précède, votre religion n’est point faite, il vous restera toujours le loisir d’user de « chef de l’État ». À condition, bien sûr, de mettre une majuscule à État, et surtout pas à chef !

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