Baptiste Liger
Montre-moi comment tu écris et je te dirai qui tu es. À l’heure où, de plus en plus, le traitement de texte et son amie l’imprimante remplacent le stylo-plume sur le papier, revenons, l’espace d’un instant, sur l’importance de l’écriture manuscrite. Non pas par esprit passéiste, mais dans une optique aussi biographique que psychologique. Ainsi, on ne rappellera jamais assez à quel point un manuscrit – qui vient de « main » – nous apprend bien des choses sur celui qui en est l’auteur. Si contestée soit-elle, la graphologie peut se révéler un instrument judicieux pour nous aider à comprendre la personnalité et l’oeuvre d’un écrivain, l’évolution de son travail au fil des années, le moment où a été entamé ou terminé un texte, la différence avec la correspondance non littéraire, etc. Au passage, ce savoir peut également nous permettre de juger de la réelle paternité d’un ouvrage ou de l’apport d’un « porte-plume », occasionnel ou régulier. Lire Magazine littéraire vous propose ainsi d’observer dans le détail les pleins et les déliés de Lamartine, Baudelaire, Emily Brontë ou Antoine de Saint-Exupéry. Un moyen, en creux, de s’interroger sur sa propre signature…
S’il serait intéressant de regarder de près l’écriture de Yann Moix, la publication de son nouveau roman d’inspiration autobiographique, Reims, nous ramène à une question récurrente – non pas « peut-on séparer l’homme de l’artiste ? », mais « peut-on lire un ouvrage en faisant totalement abstraction d’une polémique récente ? ». C’est d’autant plus le cas ici que le présent volume (qui ne manquera pas de faire l’événement) est une suite d’Orléans, dont la sortie en 2019 fut l’occasion d’un scandale familial et, surtout, de la réapparition de textes et de dessins antisémites de l’auteur, lorsqu’il était étudiant. C’est cette période « compromettante » que dépeint Moix, dans ce texte violent sur un âge très ingrat, sur les diverses frustrations, sur l’échec, sur les désirs littéraires, aussi. Faut-il voir Reims comme un mea culpa, un exercice d’autoflagellation opportun ? Doit-on faire fi de ces considérations, prendre de la hauteur et ne juger que la valeur du texte ? Ou la lecture est-elle en l’espèce, qu’on le veuille ou non, forcément brouillée – tout du moins, aujourd’hui ?