. Fantastique/Jeunesse
Mondes en ruine, femmes puissantes et âpres luttes : il était grand temps que ces deux bijoux post-apocalyptiques soient traduits.
On aime imaginer que ce monde finira mal. Deux romans, écrits en 2007 et 2009, décrivent un « après » cataclysmique, et a priori pas très lointain. L’un – Soeurs dans la guerre, de Sarah Hall – décrit, au sein d’un siècle miné par les guerres et les crises énergétiques, une Angleterre gagnée par les eaux, et dominée par une Autorité orwellienne. La montée des périls est racontée dès les premières pages. « Si nous avions su alors ce qui se préparait, nous aurions quitté le pays. Quoique j’ignore où nous aurions pu aller. » La narratrice s’appelle « Soeur », son véritable nom n’a plus d’importance. Elle écrit depuis une prison. Lorsque commence l’histoire, elle quitte sa ville natale (et son homme) pour rejoindre un endroit nommé Carhullan – une communauté de quelques dizaines de femmes, regroupées à l’écart, dans les collines, sous la férule d’une certaine Jackie Nixon. L’homme qui a pris notre héroïne en stop, découvrant sa destination finale, vitupère. « Espèce de conne ! Si tu te figures que ce sera mieux là-haut, tu te mets le doigt dans l’oeil. » Il se trompe. Soeur, qui a soif de vie, de vrai, d’horizons, n’a en réalité pas d’autre choix. Aussi rude et imparfaite soit-elle, sa nouvelle condition lui offre une cause, un but. Une paix ? La paix ne dure jamais. Bientôt, consciente des menaces qui pèsent sur elle, la sororité fourbit ses armes. « Nous ne pouvons plus rester les bras croisés, tonne Jackie Nixon, et laisser l’Autorité agir comme elle le fait. » Pour Soeur, l’avenir semble bouché, mais un combat a été mené. FAÇON CORMAC MCCARTHY
Tout autre ambiance avec Au nord du monde, de Marcel Theroux. Makepeace, cavalière de la taïga qui se fait passer pour un homme parce que c’est moins dangereux pour elle, survit en solitaire dans une ville de Sibérie abandonnée, fondée jadis par des pionniers américains. « Ici, dix mois par an, le climat mord la peau. » Futur glacial, donc, infiniment vaste et perpétuellement hostile. Si ce n’est que notre guerrière est une résistante-née, capable de fondre ses propres balles, passant son temps à sauver des livres des décombres. Électrisée par un crash d’avion – la promesse d’un paradis inviolé ? –, elle prend le risque de s’éloigner de chez elle… et est faite prisonnière. On la rudoie, on la maltraite (des scènes très semblables à celles que l’on trouve au début de Soeurs dans la guerre), mais elle ne bronche pas, ronge son frein.
Les années passent. Un jour, on l’envoie dans la Zone, une cité russe désertée Stéphane Héaume et contaminée, évoquant furieusement la Pripiat de Tchernobyl, où on la charge de récupérer de mystérieux flacons. La mort rôde : à chaque heure, presque à chaque pas. Escarmouches, esclavage, patriarcat forcené, c’est le grand bond en arrière. Loué par Haruki Murakami comme l’oeuvre d’un « génie », ce western nordique évoque souvent, par sa rigueur et ses paradoxales beautés, l’inépuisable chefd’oeuvre de Cormac McCarthy, La Route. C’est, là encore, un portrait de femme brave, dédiée au combat et à l’errance, en qui l’espoir palpite encore. Au terme du roman, elle s’adresse à celle qui vient après. « Quand tu seras prête à partir, prends la Winchester et la paire de chevaux la plus véloce et fiche le camp d’ici. »