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La nouvelle traduction de The Beautiful and Damned – soit Beaux et Maudits – nous fait redécouvrir ce texte, souvent mal-aimé, qui annonce pourtant les chefs-d’oeuvre à venir de l’auteur de Gatsby.
Lorsque paraît The Beautiful and Damned – titre successivement traduit Les Heureux et les Damnés, Beaux et damnés et, aujourd’hui, Beaux et maudits – chez Scribner en 1922, Francis Scott Fitzgerald est un écrivain à la mode. L’Envers du paradis a fait scandale deux ans auparavant et le premier tirage en a été épuisé en trois jours. Succès rapide, flamboyant, très en accord avec la personnalité du romancier américain emblématique des Années folles, de l’ère du jazz, avec ses irrépressibles désirs de liberté, mais aussi ses discordances et son mal de vivre. Si Beaux et maudits ne confirme pas cet engouement auprès du public, le grand écrivain est pourtant là tout entier, stimulant, accrocheur, savant sous son allure désinvolte. L’ENVERS DE L’ÉPOUVANTE
Anthony et Gloria peuvent rappeler Scott et Zelda. Si Anthony est le représentant d’un certain raffinement issu d’Henry James, il l’est aussi du dandysme de Des Esseintes. Narcissique, émouvant et blessé, orphelin inguérissable, il collectionne les belles éditions, comme le personnage de Huysmans. À côté des premiers tirages de Swinburne, Meredith ou Hardy, il possède une lettre autographe de Keats, jaunie et illisible, ridicule comme une relique. Il accumule aussi pyjamas en soie, robes de chambre brodées, cravates trop voyantes pour être portées en public. Gloria, quant à elle, ne désire rien d’autre que rester jeune et belle, avoir de l’argent et être aimée.
Obsédés par l’argent, marginaux inaptes au travail, les deux amants n’envisagent pas d’autre avenir que la fête, l’irresponsabilité, l’ivresse, cet envers de l’épouvante. Pour cela, tous deux dépendent de la fortune d’Adam Patch, le grand-père d’Anthony.
Mais ce dernier, devenu un monomaniaque révolté par l’impiété, obsédé de régénération morale, ennemi acharné du vice, de la littérature et des salles de spectacles, les déshérite.
Impeccablement servi par l’élégante traduction de Julie Wolkenstein, ce livre n’est pas seulement une étape sur le chemin qui mène aux futurs chefs-d’oeuvre, Gatsby ou Tendre est la nuit. Beaux et maudits est un roman passionnant, mêlé d’autobiographie, et qui préside à la naissance d’une littérature à proprement parler américaine.