SOPHIE PÉTERS
Bibliothérapie
Ce petit livre au joli graphisme aborde un grand sujet : celui de la santé mentale racontée par des personnes qui l’ont parfois perdue. Par les voix de sept auteurs qui ont (eu) un long parcours en psychiatrie, Les Voix du rétablissement nous fait pénétrer dans la maladie mentale pour y découvrir la bouleversante volonté de tous ceux qui cherchent à sortir de leurs ténèbres et choisissent de nouveaux possibles, parfois de petits riens, préalables au rétablissement. Une voie encore très étroite. En témoigne Cécile qui a dû démêler l’écheveau, le vrai et le faux, entre sa fonction de soignante en psychiatrie et sa personne désignée comme patiente : « Je n’étais pas ignorante des diagnostics, des traitements, du fonctionnement du système de soins et maintenant je le vivais. Je me trouvais désemparée. Désarroi que j’avais si souvent observé parmi les patients. Les mots que j’avais l’habitude de prononcer, certaines formules pour leur offrir un semblant de réconfort, sonnaient creux a posteriori. Ce constat était effrayant. »
Un constat fait par chacun des sept auteurs, osant avec beaucoup d’humilité dénoncer une psychiatrie toute-puissante ayant tendance à imposer d’emblée une camisole chimique avant d’imaginer le désir puissant du patient à construire un parcours de guérison. « Prendre conscience que le rétablissement est possible est une révolution pour tous, intégrer le patient dans un processus de guérison en est une autre », prévient dans la préface le professeur Nicolas Franck.
Processus long et complexe, propre à chaque individu et relevant d’une décision éminemment personnelle, le rétablissement sera d’autant plus prometteur qu’il pourra s’appuyer sur la « pair-aidance », discipline totalement neuve en France et que cet ouvrage nous fait découvrir. Elle repose sur l’entraide entre personnes présentant des troubles psychiques. Sensibiliser et promouvoir une santé
mentale en action, tel est donc le pari de ce collectif de patients « pair-aidants » réuni autour de Sabrina Palumbo, auteure avec Stéphane Cognon, Joan Sidawy, Muriel Thibault, Catherine Brettes, Philippine Rodier et Cécile Glaser de cet
opus sur « la médiation par la pair-aidance ».
« Stéphane Cognon me confiait que tout avait changé pour lui par le seul fait d’être reconnu en étant publié. Il existait enfin, il pouvait commencer à se traiter lui-même en inventant son traitement et de quelle manière il souhaitait le mettre en oeuvre », raconte l’éditeur Dominique FrisonRoche. En 2017, il éditait pour la première fois Stéphane Cognon, diagnostiqué schizophrène à 20 ans, témoignant à 48 ans dans Je reviens d’un long voyage. Candide au pays des schizophrènes, de son équilibre retrouvé et du long chemin parcouru. Aujourd’hui devenu pair-aidant, il partage ses acquis et contribue à faire renaître l’espoir chez les patients et à leur redonner confiance dans leurs capacités.
« Il est temps de parler de santé mentale comme on parle de sa santé physique, qu’il ne soit pas plus tabou de dire qu’on souffre d’une dépression ou d’une schizophrénie que d’un cancer ou d’un diabète », avertit en préambule Sandrine Broutin, directrice générale de l’OEuvre Falret, qui soutient et accompagne les personnes souffrant de troubles psychiques. Un livre qui peut redonner le goût d’un bien si précieux à tous ceux qui l’ont perdu : celui de vivre.
LA VOLONTÉ BOULEVERSANTE DE TOUS CEUX QUI CHERCHENT À SORTIR DE LEURS TÉNÈBRES