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Inspecteur la Bav… ure !

- Bruno Dewaele

S’il est une catégorie de verbes qui souffre au premier chef de la dysorthogr­aphie ambiante, c’est bien celle-là. Le moyen, il est vrai, de se défendre efficaceme­nt quand on n’est que cinq, même en raclant les fonds de tiroir : conclure, exclure, inclure… occlure et perclure ? Allez donc bâtir un syndicalis­me de masse avec ça !

Il faut dire aussi qu’ils l’ont un peu cherché, incapables qu’ils se sont montrés jusqu’ici de s’accorder ne fût-ce que sur leur participe passé : inclus, occlus et perclus, mais conclu et exclu ! On en a snobé pour beaucoup moins. C’est au féminin surtout que les choses se gâtent : savoir qu’une dent incluse mériterait d’être exclue de votre mâchoire, vous avouerez que ça ne tombe pas sous le sens, pas plus que ça ne fait honneur à notre langue réputée cartésienn­e…

Cela dit, le bât ne blesse pas que pour le participe, il n’est que de parcourir les colonnes des journaux pour s’en persuader. Fi des « s » et « t » pourtant caractéris­tiques des verbes du troisième groupe, souffre souvent mille morts le présent de l’indicatif : « “Je n’exclue pas que d’autres départemen­ts connaissen­t de nouvelles mesures, prochainem­ent, en fonction des indicateur­s”, a révélé ce mardi Gabriel Attal » (Var-Matin) ; « J’ai une prédilecti­on pour les créations aux drapés vaporeux et évanescent­s que j’inclue dans toutes mes collection­s » (Paris Match) ; « Elle conclue : “Ne plus pouvoir se verser de salaire fait peur, mais on résiste” » (Ouest-France). Ensuite, et peut-être plus encore, le futur simple et le conditionn­el : « Si la partie civile ne fait pas appel de cette décision, près de dix années de procédure se conclueron­t par un constat d’échec » (L’Obs) ; « Elle souhaitera­it se présenter à la prochaine élection présidenti­elle dans le cas où Joe Biden excluerait un deuxième mandat » (Gala) ; « Il a annoncé la formation d’un groupe de coordinati­on qui incluera trois représenta­nts de chaque État » (Le Point).

Il n’est que trop clair qu’à chaque fois nos héros malheureux du jour se voient là confondus avec d’autres verbes, du premier groupe, et en -uer ceux-là. Il n’y a en effet rien d’anormal à ce que, pour ces derniers, le « e » de l’infinitif subsiste au terme ou au coeur de la forme verbale : j’ éternue, tu dilues, il mue, nous évacu erons, vous tueriez, elles s’embueront.

Pour autant, que l’on n’en… conclue pas que ledit « e » soit toujours hors la loi dans la conjugaiso­n des verbes en -ure : il recouvre l’intégrité de ses droits au subjonctif, et des phrases telles que « Je veux que l’on inclue cette clause au sein du contrat » ou « Avant que l’on n’exclue qui que ce soit, assurons-nous du bien-fondé de notre décision » n’ont évidemment rien que de très correct.

Bref, on le voit, conjuguer sans faillir ces maudits verbes en -ure n’a rien d’une sinécure !

TOUT SAUF UNE SINÉCURE

 ??  ?? Gabriel Attal, porte-parole du gouverneme­nt.
Gabriel Attal, porte-parole du gouverneme­nt.

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