OÙ SONT LES FEMMES ?
Convié à un déjeuner de l’Oulipo dans les années 1960, Ross Chambers se souvient « d’une quinzaine de messieurs plus ou moins groupés » autour de Queneau, sans femme à l’horizon. De fait, le groupe fut une création masculine et, si Le Lionnais glisse des points dans la convocation qu’il adresse à ses « ch.rs Brigadi.rs » pour leur
« prochain. r.union », ce n’est pas une préfiguration de l’écriture inclusive mais un hommage à La Disparition de Perec. Il y a des femmes dans l’entourage de l’Oulipo, comme l’artiste peintre Aline Gagnaire, mais il faut attendre 1975 pour que soit cooptée la première oulipienne, Michèle Métail. Michelle Grangaud, Anne F. Garréta, Valérie Beaudouin et Michèle Audin la rejoignent à partir des années 1990, ce qui, calcule Camille Bloomfield, « porte le pourcentage
total de femmes à environ 13 % » – Clémentine Mélois accroîtra cette proportion de chromosomes X en 2017. Faut-il analyser l’Oulipo au prisme du genre, comme le suggère une journée organisée sur ce thème à Toronto en 2017 ? Pour Anne F. Garréta, qui s’en est éloignée, l’Oulipo souffre d’un nombre insuffisant de femmes, et risque de dégénérer en une « monoculture
masculine ». Virginie Tahar, auteure
de La Fabrique oulipienne du récit, précise que cette source de dissensions internes est accentuée par « l’identité même des activités oulipiennes, tournées vers les mathématiques et la manipulation verbale, qui relève du stéréotype masculin dans notre culture ». Ces spécialistes des mots et des lettres ne devraient pourtant avoir aucun mal à le chanter : Femmes, je vous M…