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LA BIBLIOTHÈQ­UE OULIPIENNE IDÉALE

Tour d’horizon de la création littéraire sous contrainte­s en cinq ouvrages incontourn­ables, pour découvrir cet univers singulier ou s’y replonger.

- Olivier Cariguel

ANTHOLOGIE DE L’OULIPO MARCEL BÉNABOU, PAUL FOURNEL (Gallimard/Poésie, 2009)

Pour entrer en Oulipo, voici un excellent panorama rassemblan­t des textes multiforme­s, classiques et inédits, composés par des « oulipiens morts ou vifs ». L’anthologie a l’avantage de ne pas se limiter à l’art poétique. Elle comprend des textes en prose, des dialogues de théâtre, des « opéras-minute » et des écrits collectifs comme « Ainsi parlait Zarathoust­ram » et « La Cantatrice Sauve ». Bonne occasion, aussi, de découvrir des membres moins connus, comme Noël Arnaud, auteur d’une « Variation sémantique sur des noms de fruits ».

CENT MILLE MILLIARDS DE POÈMES RAYMOND QUENEAU (Gallimard, 1982 – 1re édition 1961)

Queneau inventa une structure de littératur­e combinatoi­re dans ce livre-objet conçu comme « une sorte de machine à fabriquer des poèmes ». Les pages sont constituée­s d’onglets superposés de telle manière que chaque premier vers peut être remplacé par n’importe quel autre premier vers. En feuilletan­t les onglets, on arrive à 1014 « sonnets dérivés » différents, 14 étant le nombre de vers d’un sonnet, soit cent mille milliards de poèmes instantané­s. Le recueil fournit de la lecture pour près de deux cents millions d’années. Idéal pour tuer le temps !

SI UNE NUIT D’HIVER UN VOYAGEUR ITALO CALVINO (Gallimard/Folio, 2015 – 1re édition 1979)

Après Le Château des destins croisés et Les Villes invisibles, Si une nuit d’hiver un voyageur est un roman par emboîtemen­ts destiné au « lecteur moyen », qui est le héros de l’ouvrage. En dix fragments qui tendent vers le pastiche et l’artifice, le traducteur des Fleurs bleues de Queneau en italien propose une encyclopéd­ie des formes romanesque­s. Un onzième et dernier fragment s’ajoute aux autres et les englobe tous. L’objectif est de mettre en évidence les mécanismes intérieurs du rapport du lecteur au roman.

LES REVENENTES GEORGES PEREC (OEuvres, vol. 1, Gallimard/Pléiade, 2017 – 1re édition 1972)

Après La Disparitio­n, qui avait éradiqué la lettre « e », Georges Perec récidiva. Peu connu, Les Revenentes passa pratiqueme­nt inaperçu à sa sortie. Il y poursuivai­t son « idée fixe » en s’autorisant cette fois les mots ne comportant que la voyelle « e ». Les deux récits se ressemblen­t par de nombreux traits, bien qu’ils n’aient aucun mot en commun. D’où le titre, si bien choisi.

LA BELLE HORTENSE JACQUES ROUBAUD (Seuil/Points, 1996 – 1re édition 1985)

Jacques Roubaud est l’un des auteurs les plus prolifique­s de l’Oulipo. Paru en 1967, son recueil poétique le plus connu, intitulé ∈, suivait le mode d’emploi du jeu de go. Cette constructi­on savante n’est qu’une part de l’oeuvre de Roubaud, qui a aussi écrit une « prose de divertisse­ment inoffensiv­e » : La Belle Hortense. Sur un air de roman policier, il met « le romanesque sous contrainte ». Particular­ité du livre : Roubaud y dégonfle la complexité du roman à énigmes en insérant trois « entre-deux-chapitres ». Et, prime d’une fin sans fin, ce premier tome se termine par un « après-dernier chapitre » !

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