Dur dur d’être un ado
L’auteur de Sutures revient avec le portrait d’un adolescent dans l’Amérique des années 1950. Le drame y court d’un trait étonnamment léger.
Le roman adolescent est un classique de la littérature américaine. Le cinéma s’en est emparé aussi – Stand by Me de Rob Reiner, par exemple –, et la bande dessinée n’est pas en reste. Là, tous les coups de crayon sont permis : d’un côté, il y aurait Chris Ware et son trait millimétré (le génial Jimmy Corrigan) ; de l’autre, David Small, qui brosse les affres de cet âge ombreux d’une mine à peine esquissée, et dont les éditions Delcourt avaient déjà publié Sutures, en 2010, un album autobiographique sur l’adolescence de son auteur.
Dans la nuit noire suit Russel Pruitt, 13 ans, abandonné par sa mère et flanqué de son père alcoolo dans l’Amérique des années 1950. David Small, 76 ans, est de cette époque, et il est facile de sentir que le parcours de Russel n’est pas éloigné du sien, ou de celui du voisin ou du gars du bout de la rue. Il ressemble en tout cas à celui de ces gamins qui tiennent bon la rampe tant bien que mal alors qu’ils sont prêts à glisser sur le mauvais chemin. Russel se lie d’amitié avec Warren, un jeune homo qui le trouble, fricote avec Willie et Kurt, deux grandes gueules, et se réfugie chez les Mah, une famille chinoise en butte aux regards alentour, alors que sévit un tueur d’animaux.
David Small a trouvé le ton juste pour raconter cette histoire : le récit se développe à bonne allure, porté par un crayon d’une délicatesse inouïe. Les pages ressemblent à des croquis jetés sur le papier et sont balayées d’un coup d’aquarelle qui se décline en gris. Ce face-à-face entre la dureté des temps et la légèreté du trait est fascinant.