UNE TRAGÉDIE IRAKIENNE
Il y a des contrées où « l’honneur est plus important que la vie » et où « mieux vaut une fille morte qu’une fille mère ». Tel est le décor qu’Emilienne Malfatto décrit dans
Que sur toi se lamente le Tigre, récemment salué par le prix Goncourt du premier roman, qui met à l’honneur à la fois cette photojournaliste se lançant en littérature et la maison d’édition tunisienne Elyzad.
Dans cette brève fiction, la jeune romancière reprend tous les codes de la tragédie classique pour décrire le destin d’une femme qui tombe enceinte hors mariage, avant que son prétendant ne meure à la guerre. Le grand frère doit alors appliquer la terrible loi et punir par la mort celle qui a fauté. « Comme si la terre n’en avait pas assez de boire le sang des femmes. »
Pour décrire les mécanismes de cette horreur, Emilienne Malfatto choisit une écriture minimaliste et une narration polyphonique, avec le fleuve Tigre et la figure de Gilgamesh en arrière-plan. Si les partis pris structurels se révèlent pertinents (difficile de nier la force du propos), Que sur toi se lamente le Tigre souffre toutefois d’une écriture trop appuyée et peine à faire vivre de vrais personnages singuliers. Le texte gagnerait sans doute à être joué sur scène (on peut songer à Wajdi Mouawad, grand amoureux du théâtre antique s’il en est) pour trouver l’incarnation nécessaire à ce drame. Et, ainsi, devenir (tristement) humain.