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FÉE CE QUE VOUDRAS
« Ne nous écris pas un conte de fées. » Par cette phrase, les éditeurs enjoignent à leurs auteurs de demeurer fidèles à la dure réalité que les contes, surtout « de fées », auraient le tort d’enchanter. Pourtant, les contes ont des vertus littéraires : leur style minutieux produit des phrases qui persistent dans les têtes des lecteurs. Il permet surtout aux plus petits d’avaler sans broncher des histoires incluant scènes de cannibalisme ou d’infanticide.
Pour raconter le destin de Madame Tussaud, maîtresse des effigies de cire, le Britannique Edward Carey a opté pour la tonalité propre aux contes – et, pour que ce soit clair, il y a ajouté des dessins. Or l’histoire de Petite n’a rien d’une fable rose bonbon. Orpheline, recueillie par un maître de la reproduction des organes, puis des visages sur cire, elle devient le bouc émissaire d’une logeuse parisienne acariâtre, puis la servante (et la maîtresse) d’une princesse de Versailles (qui la logera dans un placard), et verra beaucoup de sang à la Révolution française… Et, comme dans les contes, le style n’élude pas la violence de cette vie précaire : il la tient à distance, inscrit les avanies subies par sa « Petite » dans une aventure individuelle qui fera d’elle la grande Madame Tussaud. Au fond, les contes de fées n’enchantent pas la réalité : ils la mettent en forme pour en extraire les potentielles résolutions heureuses qu’elle contient ! Faut-il le leur reprocher ?