QUE VAUT ?
Après son envoûtant premier roman, The
Girls (2016), Emma Cline livre Harvey, un court récit qui attrape son personnage au saut du lit et nous impose de passer la journée avec lui. Et quel personnage ! Et quelle journée ! Harvey – qui est, autant qu’il n’est pas, le producteur de cinéma américain Weinstein – vit ses dernières heures avant sa condamnation pour viol et agression sexuelle. Si l’on s’en tient au monde réel… Car nous sommes ici assez éloignés de la réalité, trimballés dans le corps et l’esprit d’un homme persuadé que « tout va bien », et qui tente d’exercer le peu de pouvoir qui lui reste. Bracelet électronique à la cheville, douleurs chroniques au dos, Harvey attend la visite du médecin, puis celle de sa fille aînée, passe des coups de fil, somnole devant une série… Et rêve à l’avenir. Prenant un voisin pour Don DeLillo, il a l’idée parfaite pour se « remettre en selle » : adapter son roman Bruit de fond.
Usant d’un style piquant, Emma Cline renfle le pathétisme de son personnage pour mieux explorer son narcissisme et son apitoiement. Le pouvoir – ses manifestations, sa perte – sera aussi le thème de Daddy, recueil attendu en français pour septembre, dont les nouvelles creuseront plus avant l’esprit d’hommes au bord de la disgrâce, qui pensaient s’en tirer toujours. On a hâte.
HARVEY (WHITE NOISE) EMMA CLINE TRADUIT DE L’ANGLAIS (ÉTATS-UNIS) PAR JEAN ESCH, 112 P., QUAI VOLTAIRE, 14 €