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Une autre histoire

- FABRICE D’ALMEIDA

AUJOURD’HUI, SON EXCLUSION SEMBLE UNE MÉDAILLE D’HONNEUR

C’était il y a un siècle. L’Internatio­nale communiste étendait son appel vers le monde occidental. À Rennes, à l’été 1921, un ancien mutin de la Marine française, tout juste libéré du bagne, cherche du travail. Écoeuré d’être partout rejeté, il prend une décision qui change sa vie : il adhère au Parti communiste français. Son nom ? Charles Tillon. Aujourd’hui oublié, il a pourtant été un dirigeant essentiel du PCF, un grand résistant, organisate­ur de groupes maquisards au sein des FTP (Francs-tireurs et partisans).

Son petit-fils, Fabien Tillon, lui consacre une biographie. L’occasion de revenir sur l’attraction communiste au xxe siècle.

« S’engager. Apprendre à combattre et le faire concrèteme­nt. C’est un geste qui réclame le don de sa vie entière. » Ainsi Fabien Tillon évoque-t-il l’action de son grand-père. La motivation de Tillon se puise, alors, dans la misère qui l’entoure, comme sur les navires de Méditerran­ée en 1919, quand il s’est révolté avec ses camarades du Guichen, car les conditions de vie y étaient insoutenab­les. Revenu à la vie civile, il a suivi la grève des ouvrières sardinière­s dans sa Bretagne natale. C’est lors d’un voyage à Berlin qu’il voit pour la première fois la croix gammée, en 1932. Il en verra la reproducti­on en Espagne en 1936, puis en Tchécoslov­aquie en 1938, après l’échec de la conférence de Munich. Enfin, en France, il refuse le compromis du pacte germano-soviétique et commence à préparer la résistance dès 1941.

De loin, Charles Tillon est ce que l’on appelle un « stalinien ». Il a été formé, orienté, embrigadé par le mouvement internatio­nal communiste. Mais il garde cette part de liberté intérieure qui lui permet de s’écarter parfois des directives au nom de sa conception propre de la justice. À preuve, il choisit l’insurrecti­on à Paris avec les gaullistes, quand d’autres hésitent. Cela lui vaut la reconnaiss­ance du général, et son entrée au gouverneme­nt provisoire comme ministre de l’Air. Son heure de gloire.

Puis vient le temps de la honte. Le 1er septembre 1952, Charles Tillon est accusé avec un autre camarade, André Marty, devant le bureau politique. Ses crimes ? Fractionni­sme, malversati­ons financière­s, désobéissa­nce. Des accusation­s portées par Jacques Duclos, sous le regard impavide de Maurice Thorez, le tout-puissant secrétaire du PCF. Tillon est sonné. Il parlera plus tard de cette séance comme d’un « procès de Moscou », un montage à des fins propagandi­stes pour éliminer des camarades devenus gênants. Après son exclusion du Parti, Tillon doit rédiger une confession, admettre sa culpabilit­é. Humilié, il boit sa honte jusqu’à la lie. Désormais isolé, abandonné, il se reconstrui­ra dans le travail et l’écriture. Aujourd’hui, son exclusion semble une médaille d’honneur. Elle lui a permis d’échapper au déclin du stalinisme et de ses avatars. Tillon reste dans l’Histoire en homme de la Résistance. Son héroïsme n’est plus un voile jeté sur le sectarisme, il le dévoile mieux encore.

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 ??  ?? HHHHI CHARLES TILLON. LE CHEF DES FTP TRAHI PAR LES SIENS FABIEN TILLON 304 P., DON QUICHOTTE/SEUIL, 22 €
HHHHI CHARLES TILLON. LE CHEF DES FTP TRAHI PAR LES SIENS FABIEN TILLON 304 P., DON QUICHOTTE/SEUIL, 22 €

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