L’énergie NRF
Notre collaborateur Robert Kopp est de nouveau aux manettes de la série « Entretiens des Treilles » consacrée à la célèbre revue, et dont la nouvelle parution s’intéresse à la correspondance des premiers écrivains qui ont fait sa renommée.
Issu d’un colloque organisé en 2018 dans le cadre des entretiens de la Fondation des Treilles – où l’on s’était déjà penché sur la place de La Nouvelle Revue française dans la vie littéraire du xxe siècle et sur le trio Gide, Copeau, Schlumberger –, le riche ensemble qu’éditent aujourd’hui Robert Kopp et Peter Schnyder s’intéresse aux correspondances des auteurs de la première NRF : correspondances entre eux (principalement autour de Gide, qui tient, comme on peut s’y attendre, une place pivot : lettres entre Gide et Drouin, Gide et Ghéon, Gide et Schlumberger), mais aussi avec des écrivains sinon « extérieurs », du moins périphériques, tels que Jules Romains, Marcel Proust, Charles-Louis Philippe, ou encore Maurice Barrès.
« La NRF aura offert à l’intelligence l’une de ses plus grandes fêtes, écrivent les éditeurs en introduction, les lettres qui accompagnent les textes méritent à leur tour notre attention – les unes complètent les autres, l’échafaudage de telle ou telle oeuvre qui a fait date devient visible. »
De fait, dans Un monde de lettres, on mesure à travers ces abondantes correspondances (celle de Jacques Copeau ne comporte pas moins de 6 000 missives !) analysées par les auteurs l’utilité que présentent les lettres pour la connaissance de l’histoire littéraire en général et celle de la NRF en particulier, qu’il s’agisse des questions pratiques et d’intendance (la recherche laborieuse des premiers abonnés, révélée dans les lettres de Schlumberger à sa femme) ou de la construction des oeuvres des uns et des autres, où l’objet « lettre » tient tout son rôle. « Il est notoire que pour beaucoup d’écrivains, rappelle Thomas Hunkeler dans son exposé sur NRF et Dada, leur correspondance a vocation à devenir ultérieurement oeuvre, tout comme le journal intime ou le carnet de notes. »
Il n’y a du reste pas que l’histoire littéraire qui soit concernée : les correspondances d’écrivains intéressent aussi celle des mentalités et l’histoire tout court, telles les lettres entre Jean et Suzanne Schlumberger qu’étudie Lucie Carlier sous l’angle de l’expression des sentiments et de la conjugalité. La seconde partie du volume contient un ensemble de 47 lettres entre ces deux époux, ainsi qu’un choix de 78 lettres entre Jean Schlumberger et Jacques Copeau.