LAYETTE DE PLOMB
Une croix bleue, et la vie bascule. Les femmes « tombées » enceintes découvrent alors cette période de vie déstabilisante : le premier trimestre de grossesse. Un temps invisible, comme suspendu. On vous conseille de ne rien dire mais de vous inscrire très vite à la maternité. Vous accueillez les contraintes (arrêt du tabac et de l’alcool, restrictions alimentaires) en silence, car la Sécurité sociale ne vous reconnaît pas encore enceinte. Et puis l’immense fatigue et les « petits maux de la grossesse » (comme si vomir plusieurs fois par jour était anodin) ne doivent pas entraver la vie professionnelle. C’est tout ? Non. Car cela se déroule dans la terreur sourde que la grossesse s’arrête. La société refuse de considérer la femme enceinte au moment où elle en a le plus besoin. Mais qui essaie-t-on de protéger en imposant ce silence ? Pourquoi la fausse couche est-elle encore taboue ? Pourquoi de nombreuses femmes estiment que « c’est de leur faute » ? Fausse couche ? Non, vraie grossesse qui cesse, vrai deuil à faire, et une souffrance qui mérite d’être entendue.
Trois mois sous silence, de Judith Aquien, préfacée de manière bouleversante par la philosophe Camille Froidevaux-Metterie, est un livre nécessaire. Et, si nous sommes très heureux de proposer les premières pages de la formidable Histoire de la naissance de René Frydman (à lire page 100), il paraissait important de faire une place à cet ouvrage, qui met en avant ce « miracle de l’enfer ».