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« Il faut garder espoir même quand on vous dit non »

- Propos recueillis par Louis-Henri de La Rochefouca­uld

Marraine de la 4e édition du concours d’écriture Lire Magazine littéraire-Librinova, Tatiana de Rosnay est connue pour son engagement en faveur des auteurs débutants. Explicatio­ns et conseils d’une amoureuse des nouvelles. La nouvelle est-elle un genre qui vous a formée quand vous étiez une apprentie romancière ?

Tatiana de Rosnay. J’ai commencé à écrire des romans tout de suite, à 10 ou 11 ans. Mais, comme je suis à moitié anglaise, les

short stories ont beaucoup compté. Quand on a un roman en cours, la nouvelle permet un écart : c’est comme si on était engagé dans un voyage au long cours sur un gros paquebot, et la nouvelle est une petite frégate où l’on s’aère le temps d’une journée. Cela demande quand même une rigueur dans la constructi­on : il ne faut pas rater la chute.

Y a-t-il un ou une nouvellist­e que vous admirez plus que les autres ?

Virginia Woolf est impression­nante dans La Maison hantée. Elle n’a pas l’art de la chute, mais elle vous embarque dans son monde ; ses nouvelles sont comme des poèmes. Celles de Zola sont très fortes, on devrait les relire – je conseille aussi bien

Nouvelles noires que Nouvelles roses. Je n’oublie pas Maupassant, Edgar Poe et ma chère Daphné du Maurier, toujours glaçante, indépassab­le dans le suspense et le gore. Rappelons qu’elle a écrit Les Oiseaux, qui a donné le film d’Hitchcock, assez différent.

Parallèlem­ent à notre concours de nouvelles, vous publiez un roman, Célestine du Bac, que vous aviez écrit il y a près de trente ans ! Pouvez-vous nous raconter cette histoire éditoriale peu courante ?

J’ai été publiée pour la première fois en 1992 chez Fayard, avec L’Appartemen­t témoin. Naïvement, j’ai cru que c’était bon, que Fayard éditerait aussi mon second roman. Mise en garde à vos lecteurs : ce n’est pas automatiqu­e ! Entre 1990 et 1993, j’ai écrit Célestine du Bac, et on m’a dit chez Fayard que c’était inclassabl­e. Cela m’a beaucoup attristée et j’y ai renoncé. Je l’ai mis dans le carton de mes manuscrits de jeunesse, puis je l’ai oublié. En 2018, j’ai déménagé. Un an plus tard, je suis retombée, en faisant du rangement, sur le seul exemplaire papier de Célestine du

Bac. J’ai trouvé que ça tenait la route, et je l’ai donné à l’équipe de Robert Laffont, qui a été très enthousias­te.

Voilà de quoi redonner confiance : un manuscrit refusé en 2021 peut devenir un gros tirage en 2051 !

Cela a été tellement dur pour moi de publier Elle s’appelait Sarah… Je suis la preuve vivante qu’il faut garder espoir même quand on vous dit non. C’est très difficile de trouver un éditeur, mais j’ai quelques tuyaux… CÉLESTINE DU BAC TATIANA DE ROSNAY 336 P., ROBERT LAFFONT, 21,50 €

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