LE VOCABLE DU MOIS Silencier
On se demande, chaque mois de mai que Dieu fait, quels lapins rares nos dictionnaires – promotion du petit dernier oblige ! – vont bien pouvoir sortir de leur chapeau. Dans le millésime 2022, le québécisme nounounerie, le motvalise consommacteur, l’anglicisme batch cooking ont particulièrement défrayé une chronique médiatique qui, des plus paradoxalement, n’aime rien tant qu’apercevoir, dans ces gadgets le plus souvent éphémères, les signes rassurants de la vitalité, voire de la pérennité de notre langue. Autre marotte d’un temps qui, à l’instar de l’OM d’hier, tend à aller droit au but : la création d’un verbe à partir du premier substantif venu. L’Officiel du Scrabble constitue même une Mecque pour ces gens qui, plutôt que de manier la hie et la houe, préfèrent – score oblige, cette fois ! – hier et houer. On y a même dégoté, tenez-vous bien, l’africanisme cabiner pour « aller à la selle ». Moins trivial paraîtra sans doute le verbe silencier, remis cette année au goût du jour par Robert au sens d’« imposer le silence ». Il ne s’agirait pas là, en effet, d’un néologisme, le grand Chateaubriand, que l’on a au demeurant connu plus inspiré, y ayant lui-même eu recours. Voilà qui vaudra au bidule, et pour l’éternité lexicographique, l’étiquette plutôt seyante de « littéraire ». Et tant pis pour les ploucs qui, plus enclins à « faire taire » quelqu’un ou à le « réduire au silence », préféreront trouver ça… lourd et moche !