3 QUESTIONS À JULIEN BLANC-GRAS
Auteur entre autres de Touriste et Dans le désert, il compte aujourd’hui parmi les voix essentielles de la littérature française dite « de voyage ».
Quel regard portezvous sur la littérature que vous pratiquez ?
On me qualifie souvent d’écrivain voyageur. Paradoxalement, je trouve ça à la fois ronflant et valorisant. Je vois avant tout le récit de voyage comme une carte postale adressée à des inconnus. C’est encore plus frappant dans Envoyé un
peu spécial, mais j’aime bien cette idée d’envoyer des nouvelles du monde. On est tout de suite dans une forme directe et simple. Pour moi, la littérature de voyage s’épanouit d’abord dans sa complicité avec le lecteur.
Avec cette idée que l’écrivain voyageur parle autant de lui que du monde qui l’entoure ? La bibliothèque idéale de l’écrivain voyageur?
Hunter S. Thompson pour le côté rock’n’roll et parce que les à-côtés d’un récit de voyage sont parfois plus intéressants que le récit de voyage luimême. Kapuscinski pour le goût du risque et l’idée que, pour comprendre le monde, la vision d’un marin-pêcheur est aussi importante que celle d’un ministre. Kerouac parce que Sur la route, Nicolas Bouvier, parce que c’est notre saint patron et, enfin, Desproges pour la liberté de ton et l’humour. C’est un peu cliché, mais c’est totalement vrai. C’est en se confrontant aux autres qu’on apprend qui on est soi-même. Et puis voyager, c’est aussi devenir quelqu’un d’autre. Dans son environnement habituel, on est façonné par le regard des autres, quand on part seul, on arrive vierge et on peut être qui l’on veut. C’est aussi ça qui fait la richesse de cette littérature.