Lire

« UNE DÉMARCHE RÉSOLUMENT FÉMINISTE »

Les récits de voyage ont longtemps imposé le regard subjectif de l’homme occidental comme vérité sur le monde. Lucie Azema propose une critique de cette tradition et les clés d’une approche émancipatr­ice de l’aventure.

- Parmi les nombreuses écrivaines voyageuses que vous évoquez, lesquelles vous ont le plus inspirée ? Propos recueillis par Antoine Faure

Comme dans d’autres pans de la vie sociale et culturelle, assistons-nous à une révolution du récit de voyage ?

Lucie Azema. Beaucoup de progrès restent à faire ! Ici aussi, l’histoire enseignée est avant tout celle des hommes. Or de grandes voyageuses ont toujours écrit sur leurs expérience­s, mais on a feint de l’ignorer tout en dressant des obstacles sur leur chemin. Pour mieux représente­r le réel, il faut pourtant intégrer cette autre perspectiv­e.

L.A. La spécialist­e des cultures bouddhiste­s, Alexandra David-Néel, a inversé le schéma classique d’Ulysse et Pénélope, voyageant plus de dix ans loin d’un mari resté en France. C’était impensable au début du xxe siècle ! Je retiendrai aussi Isabelle Eberhardt, journalist­e à la plume magnifique qui vécut dans le désert algérien vêtue en cavalier arabe. Ces deux femmes fortes ne transigeai­ent pas avec leur liberté. Pouvez-vous résumer votre approche du voyage détaillée dans votre livre ?

L.A. Elle consiste à faire table rase des assignatio­ns de genre et à n’appartenir qu’à soi-même, pour pouvoir s’imprégner de l’ailleurs en flânant loin des panoramas touristiqu­es, en s’immergeant dans la langue et la littératur­e locales… Une démarche résolument féministe, mais applicable à tous ceux qui récusent le vieux stéréotype de l’aventurier dominant. Puisque, à vous lire, la liberté absolue n’existe qu’en soi-même, diriez-vous que voyager revient à pouvoir jouir de libertés quittées puis retrouvées ?

L.A. C’est le sens des pages sur mon rapport à la mer. En France, j’entretiens une relation très féconde et enfantine avec elle ; elle nourrit mon imaginaire. Il m’a fallu la découvrir plus difficile d’accès pour une femme au Moyen-Orient afin de comprendre son importance dans ma vie. Finalement, vous théorisez le voyage au féminin plus que vous n’évoquez votre propre expérience. Les exemples que vous citez donnent pourtant envie d’en lire plus…

L.A. On me demande en effet d’entreprend­re le récit de mes séjours en Inde, au Liban ou en Iran, ce qui reviendrai­t à m’exposer bien plus… Voyager m’a aidée à vaincre quantité d’inhibition­s, celle-ci sera peut-être la prochaine ! LES FEMMES AUSSI SONT DU VOYAGE. L’ÉMANCIPATI­ON PAR LE DÉPART LUCIE AZEMA 286 P., FLAMMARION, 20 €

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France