Double peine
À quelques semaines d’intervalle, les deux écrivains homonymes – et amis – publient deux romans de science-fiction complémentaires, autour du transhumanisme.
Ils auraient pu se vouer une haine farouche comme les deux Marguerite – Duras et Yourcenar. Mais, bien au contraire, Philippe Grimbert et son homonyme augmenté d’un B (comme burlesque !) ont noué une solide amitié autour de leur extraordinaire communauté de destin. D’origine roumaine, les deux écrivains ont été voisins pendant des années. Ajoutez à cela que leurs deux derniers romans traversent des questionnements proches – le premier dépeint un impossible accomplissement du deuil quand le second prête à rire du refus de vieillir –, et nous voilà plongés dans la quatrième dimension ! Se sont-ils concertés ? Il est permis de rêver.
Auteur d’une féroce satire sur les parents bobos et leurs principes fluctuants, Philippe B. Grimbert s’essaie, dans 39,4, à la science-fiction pour interroger le rapport à l’âge d’un Occident en pleine déliquescence. François, pur produit de la start-up nation, est obsédé par son âge numérique, frein à sa quête de séduction. « (Puant) de l’âge comme d’autres du bec », ce cadre de 60 ans chez Google décide de porter une demande de révision d’âge au tribunal. La mystérieuse société HumanProg va faire prendre un tour inattendu à cette histoire… Chirurgien de son état, Philippe B. Grimbert manie le verbe comme le scalpel, quand il n’y va pas au burin pour démonter, en éclats de rire, certaines idéologies importées d’outre-Atlantique… DEUIL SANS PATHOS
Les morts ne nous aiment plus aborde avec davantage de mélancolie la difficulté d’accepter la mort. Paul a beau être un éminent spécialiste du deuil, son expertise ne lui est d’aucun secours lorsque sa femme se tue dans un accident de voiture. Un homme l’approche, se dit l’inventeur d’une technologie permettant de communiquer avec les défunts, enfin presque… Voilà qui n’est pas sans rappeler la « résurrectine », sérum imaginé en 1913 par Raymond Roussel dans Locus Solus. Affligé par son « deuil pathologique », Paul va-t-il céder à la sirène qui lui ferait désavouer sa philosophie ? Auteur de nombreux romans et d’essais de psychanalyse, Philippe Grimbert rend merveilleusement compte de l’universalité d’un sentiment des plus ardus à décrire sans trop de pathos. Simon Bentolila