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À bout de souffle

L’ex-enfant terrible, sacré par le prix de Flore, est devenu un quadragéna­ire épuisé. Son nouveau roman, malgré quelques beaux passages, ne redresse pas la barre.

- Louis-Henri de La Rochefouca­uld

Des talents comme celui de Nicolas Rey, on n’en compte pas vingtcinq par génération. Tous ceux qui se souviennen­t du jeune homme qu’il était savent le don qu’il avait reçu. Quelque chose s’est hélas cassé en lui dans les années 2000. Et depuis l’émouvant Un léger passage à vide (2010), c’est toujours avec une certaine gêne qu’on ouvre ses nouveaux livres.

La Marge d’erreur reprend les ingrédient­s habituels : Rey y met en scène son double romanesque, Gabriel Salin, plus bossu et fatigué que jamais – il a un cancer du poumon et des métastases au cerveau, on ne lui donne que trois mois à vivre. Là-dessus, à la fois menteur cynique et coeur d’artichaut, il cherche son prochain chagrin d’amour en regrettant ses nombreuses aventures passées. Rien de nouveau sous le soleil.

Dès la page 33, parlant d’une fille, Rey la décrit ainsi : « une suite ininterrom­pue de gestes réussis ». C’est joli, mais cette formule piquée à Fitzgerald, on l’a déjà lue dans tous ses romans précédents. Plus loin, il cite Céline sans recopier la phrase en entier. On sent que chaque chapitre lui demande un effort surhumain. Alors il tire à la ligne, remplit avec ce qu’il peut, se lance dans des digression­s sur les migrants, Gisèle Halimi, n’importe quoi. Il y a aussi de nombreuses scènes érotiques embarrassa­ntes pour tout le monde. Le fond de la piscine n’est pas loin.

De temps en temps, miracle, Rey retrouve le temps d’une page son esprit et sa musique, sa grâce d’autrefois – superbe passage où il a l’idée saugrenue d’emmener son fils de 15 ans au Futuroscop­e de Poitiers. Cela ne suffit pas à effacer le sentiment de gâchis que l’on ressent du début à la fin du livre, complèteme­nt tirée par les cheveux. Quand Rey publiait en 2003 Un début prometteur, on ne se doutait pas qu’il fallait prendre ce titre au pied de la lettre, qu’il décevrait à ce point. Son oeuvre aujourd’hui peut se résumer ainsi : une suite ininterrom­pue de romans, avec de vraies fulgurance­s. Mais de moins en moins réussis. PARFOIS, LA GRÂCE D’AUTREFOIS

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 ??  ?? LA MARGE D’ERREUR NICOLAS REY 304 P., AU DIABLE VAUVERT, 18 €
LA MARGE D’ERREUR NICOLAS REY 304 P., AU DIABLE VAUVERT, 18 €

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