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. Études littéraire­s/Poésie

- Jean-Louis Giovannoni Estelle Lenartowic­z

On fréquente avec lui une assemblée silencieus­e, où des visages hurlants, captifs de leur cage de chair et de mots, se débattent à la surface des choses. De leurs voix sourdes, ils manifesten­t la part de l’invisible en nous, l’ombre de la présence. Intimement convaincu de l’importance de leurs confidence­s, Jean-Luc Giovannoni se met à leur écoute, espérant inlassable­ment « saisir quelques sons appartenan­t à leur langue ». Au creux de leurs voix – et de son approche poétique – , la conscience aiguë de « la distance qui nous lie au monde » et dont le poème explore les territoire­s paradoxaux dans cet épais volume de très beaux poèmes écrits au cours de la décennie 1981-1991.

L’enfance et ses horizons abritent encore la possibilit­é d’une harmonie, projetée dans le ressac des vagues, de la pierre, du coquillage débordant du chant la mer. Mais très vite affleure le filtre coupant de la séparation – « Vitres/ qui n’ouvrez que sur ce qui sépare/ s’éloigne/s’exile » – et avec lui le désir de la couture. Poli par l’infime travail de l’épure, le vers cache en même temps qu’il donne à voir. « Comment rejoindre ce qui ne peut rester dans sa propre trace ? » demande celui qui tourne en lui « sans jamais trouver de sortie ». Devant la menace de la fixité, emprunter les chemins de traverse et se maintenir dans l’adresse, seul sillage qui rend habitable l’impossibil­ité d’être. « Ce que je n’avais pas compris/c’est que nous n’habitons qu’un seul endroit/ notre intérieur/et encore là, le monde n’y pénétrait que par une sorte de courant d’air. »

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