Nouvelles vies
L’une publie un roman, l’autre un récit : deux livres courts et introspectifs qui racontent à leur manière des quêtes existentielles nées d’expériences inédites.
La vocation est une question de passion, mais elle ne vaut pas sans sagesse, qui nécessite une régulière introspection. Simon en est à ce point dans sa vie lorsque débute La Patience des traces : un bol qui casse un matin, et ce psychanalyste décide de colmater ses brèches intimes. Célibataire sans enfants, il a adopté un mode de vie cotonneux. Écoutant son envie de défi, il décide de partir loin : à Tokyo. Ce nouveau départ le mène vite à un voyage intérieur, et nous le suivrons dans ces deux quêtes. Se familiarisant avec d’autres personnes, d’autres relations, d’autres rituels quotidiens. Comme elle aime à le faire (on se souvient de Profanes, Grand Prix RTL-Lire 2013), Jeanne Benameur nous entraîne dans l’esprit tortueux de son protagoniste. Au moyen d’une narration au présent qui ne tombe ni dans l’affect ni dans le jugement, elle l’accompagne dans son cheminement, sa « conquête de chaque instant d’âme ». Quelques touches de légèreté donnent aussi à ce court roman une belle hauteur de vue.
LE CHOC DE LA MATERNITÉ
Vocation, défi et bilan de vie sont également à l’oeuvre dans le nouveau livre de Julia Kerninon : dix-huit mois après Liv Maria,
la Nantaise revient cette fois avec un récit personnel, qui n’a rien de fictionnel. Dans Toucher la terre ferme, l’autrice évoque sans détour le choc, à 30 ans, que fut pour elle la maternité. Pour la femme, ce fut un intense bonheur, mais aussi un « cercle de feu » : « Une situation qui, si je l’avais tellement désirée, ne cessait de me dépasser. »
Cette nouvelle vie, et surtout ce nouveau rôle, constituait une mue aux multiples peurs. Ce livre est une introspection pour Julia Kerninon qui revient aussi sur sa vie d’avant (les soirées improvisées, les amours à 16 ans) : les écrire ici, c’est les conserver en elle. Court, énergique, jamais nostalgique, l’ouvrage vaut surtout pour la quête qui le traverse : « Il est temps d’écrire une prose dense et sérieuse comme du lierre. » Un livre pour lier, à jamais, une identité de mère à une identité d’écrivaine.