La fée Ariane
Le 1er juin 1963, une jeune fille prénommée Ariane débarque dans le port de Yokohama. Un jour, intriguée par les sons qui s’échappent d’un minuscule théâtre, elle découvre sur la scène un homme seul frappant sur un tambour à un rythme envoûtant. Elle est éblouie par son jeu, d’acteur et de musicien. Le théâtre vient d’entrer dans sa vie. Elle va s’y consacrer corps et âme, créant une troupe dès son retour en France, puis, en 1964, le Théâtre du Soleil, qu’elle va arrimer en 1969 à une ancienne cartoucherie du Bois de Vincennes et où elle ne cessera plus d’offrir des spectacles enchanteurs.
Pour son nouveau spectacle, Ariane est retournée dans ce Japon et a situé l’action de sa création sur l’Île d’or, une île imaginaire dont elle va extraire des merveilles. Elle y met en scène Cornélia, une artiste malade et fatiguée qui, malgré son épuisement, s’occupe des comédiens qu’elle a invités pour un festival de théâtre dont elle est l’organisatrice. Une manifestation en l’occurrence menacée par des hommes d’affaires qui voudraient bien virer les « théâtreux » de l’île pour y édifier un casino. Sur l’immense plateau du Théâtre du Soleil vont alors se produire des artistes censés venir des quatre coins de la planète. L’occasion pour Ariane d’aborder toutes les tragédies qui secouent la planète, mais à sa manière, dans des décors éblouissants, avec un humour d’une subtilité rare, une vitalité contagieuse, et une direction d’acteurs d’une élégance et d’une fluidité extrêmes.
Devant tant de raffinement et de tableaux merveilleux, on en arrive à trouver secondaire que le texte, bien qu’élaboré « en harmonie » avec la grande Hélène Cixous, sombre par moments dans l’inintelligibilité quand, à vouloir embrasser trop de thèmes, il se noie dans un verbiage inaudible. Dans cette Île d’or, c’est l’image, dont la beauté semble encore démultipliée par la musique sublime de Jean-Jacques Lemêtre, qui a pris le pas sur le texte. Le public semble acquiescer, qui n’en finit pas d’applaudir, après 3 h 20 (entracte compris) d’un spectacle, répétons-le, d’une rare féerie.