COLETTE, LA LIBERTÉ EN PARTAGE
Nulle femme de lettres n’a intrigué, ravi et scandalisé ses contemporains autant que Colette », affirmait Apollinaire à son sujet. Écrivaine, journaliste, mais aussi mime, danseuse et actrice, Colette aura sa vie durant cherché à s’émanciper d’un modèle bourgeois trop étriqué pour ses multiples talents. Mariée à 20 ans à Henry Gauthier-Villars, dit Willy, critique en vogue et noceur invétéré, elle publie sous le nom de son époux la série à succès des Claudine, dans laquelle elle aborde sans détour la question de la bisexualité. Séparée de Willy, Colette entame une liaison avec la marquise de Belbeuf, dite « Missie », personnalité mondaine de la Belle Époque. En janvier 1907, les deux femmes scandalisent le Tout-Paris en exhibant leurs amours. Un second mariage avec le baron Henry de Jouvenel, assorti d’une relation incestueuse avec son beau-fils, de trente ans son cadet, puis un dernier mariage à 50 ans passés avec Maurice Goudeket, alimentent la chronique en même temps que ses écrits. Libre et curieuse de tout, dépoussiérant de sa plume les concepts de mariage et de maternité, Colette donne voix à une sensualité tout sauf honteuse : « Je veux chérir qui m’aime et lui donner tout ce qui est à moi dans le monde : mon corps rebelle au partage, mon corps si doux et ma liberté ! » écrit-elle dans ses Dialogues de bêtes. Jugée sulfureuse, Colette se voit refuser à sa mort en 1954 un enterrement religieux. Qu’à cela ne tienne : elle sera la deuxième femme, après Sarah Bernhardt en 1923, à bénéficier d’obsèques nationales.