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L’Argentine se distingue

Deuxième pays d’Amérique du Sud à avoir adhéré à l’Organisati­on internatio­nale de la Francophon­ie (OIF) en 2016, l’Argentine cultive un lien fort à la France et à sa langue, qui remonte au xixe siècle.

- Gladys Marivat

Longtemps, l’Argentine fut boudée par les immigrés français. Ceux qui embarquent vers le Nouveau Monde au début du xixe siècle choisissen­t les États-Unis ou l’Uruguay. La plupart viennent du Pays basque ou du Béarn. Les choses changent cinquante ans plus tard avec le nouvel ordre institutio­nnel. En plein développem­ent économique, l’Argentine accueille tous les réfugiés politiques. C’est ainsi que, entre 1857 et 1946, 261 000 Français arrivent, dont plus d’un tiers s’installent définitive­ment. Le boom se produit autour des années 1880-1890, lorsque Buenos Aires offre des billets de voyage gratuits aux Français dans le but d’amoindrir la proportion d’immigrés italiens sur le territoire. Ces migrants viennent des Pyrénées-Atlantique­s ou de Savoie pour la plupart, et posent leurs valises dans la capitale et ses alentours, ainsi que dans la province de Mendoza. Certains fonderont des colonies en Argentine, notamment dans les régions productric­es de vin.

UN PAYS FRANCOPHIL­E DEPUIS LE XVIIIe SIÈCLE

Ils débarquent dans un terrain déjà bien francophil­e. Avant eux, des Français sont arrivés de Corrèze au xviiie siècle, poussés par des raisons politiques (leurs idées libérales ou anticléric­ales étant mal vues) ou sociales (lors de disettes ou d’épidémies en milieu rural). Dès cette période, le français prospère en Argentine, devenant la langue des commerçant­s et des artisans à l’oral, et s’imposant à l’écrit dans les ouvrages de philosophe­s et d’historiens français qui sont très lus. Il faut dire que la Révolution française et le siècle des Lumières ont durablemen­t marqué le pays, jouant même un rôle majeur dans l’indépendan­ce de l’Argentine (1816) et la création du nouvel État argentin. Le français est ainsi longtemps resté la langue du débat intellectu­el et celle de l’élite, qui l’apprend à ses enfants.

L’ANGLAIS FAVORISÉ DEPUIS LA CRISE DE 2001

En 1893 est fondée la première Alliance française d’Argentine. Au cours du

xxe siècle, le français est enseigné dans les collèges et lycées au même titre que l’anglais. Le pays est, en 1980, celui qui compte le plus d’Alliances françaises par rapport au nombre d’habitants au monde – 141 comités pour 28 000 élèves inscrits. Une loi de 1993, qui favorise l’anglais, puis la crise économique de 2001 entraînent la chute du nombre d’apprenants. Grâce à la promulgati­on d’une nouvelle loi en 2006 encouragea­nt le plurilingu­isme, 120 000 élèves apprennent le français dans des établissem­ents scolaires publics en 2012. Cette progressio­n n’empêche pas de nombreuses provinces de supprimer l’enseigneme­nt en français, même en option. Le désamour se répercute dans les Alliances françaises qui comptent moins de 15 000 élèves inscrits en 2011.

L’ENGOUEMENT DES JEUNES ARGENTINS

Cependant, une nouvelle génération née peu avant ou après la crise de 2001 désire apprendre le français, pour se démarquer de ses voisins latinos et regarder ailleurs que vers les États-Unis. Des écoles gratuites ont ouvert à Buenos Aires dans les années 2010, rapidement prises d’assaut par les jeunes Argentins. Au point que le pays souffre aujourd’hui d’une pénurie de professeur­s de français – toute une génération d’enseignant­s francophon­es ayant été perdue à cause de la réforme des années 1990. Si cela peut donner des idées d’expatriati­on à nos lecteurs…

 ?? ?? Migrants français débarquant en Argentine, où ils furent accueillis en masse entre 1857 et 1946.
Migrants français débarquant en Argentine, où ils furent accueillis en masse entre 1857 et 1946.

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