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Fusion en vue ?

Vivendi, le groupe de Vincent Bolloré possédant Editis, a annoncé vouloir déposer une offre publique d’achat sur la totalité des actions de Lagardère, qui détient Hachette Livre. Et peut-être créer un mastodonte dans le secteur de l’édition française.

- Gladys Marivat

Le décompte a commencé il y a bientôt deux ans. Quand, en avril 2020, le groupe Vivendi (qui contrôle Editis, numéro deux de l’édition française) est entré dans le capital du groupe Lagardère (dont la branche édition est le leader français du secteur, très bien implanté à l’internatio­nal), laissant envisager la création d’un géant de l’édition aux mains de Vincent Bolloré. Annoncée pour la fin 2022, l’étape finale, une offre publique d’achat (OPA) sur l’ensemble des actions de Lagardère, a été avancée au mois de février. La Commission européenne doit donner un avis sur les risques de concentrat­ion dans l’édition. Et ils sont manifestes.

Editis, ce sont 51 maisons d’édition, dont Julliard, Edi8, Bordas, Robert Laffont, Le Cherche midi, Nathan, Pocket, Place des éditeurs. Hachette Livre regroupe pour sa part une quarantain­e de maisons, dont Grasset, Fayard, Stock, Calmann-Lévy, Le Livre de Poche, Hatier, Dunod, Larousse. Ensemble, cela fait près de 11 000 nouveautés par an, 74 % de l’édition scolaire et 78 % de la littératur­e en poche. Le rapprochem­ent d’Hachette et d’Editis donnerait naissance à un mastodonte. Pour le milieu de l’édition – encore secoué par le rachat de Flammarion en 2012 par Madrigall (que dirige Antoine Gallimard), suivi en 2013 par l’entrée du groupe de luxe LVMH au capital de Madrigall –, c’est trop.

UN RAPPROCHEM­ENT ET PLUSIEURS INCONNUES

L’inconnu inquiète, et il y a encore de nombreuses inconnues dans cette affaire au moment où nous bouclons ces pages. À commencer par les intentions de Vincent Bolloré, qui ne s’est pas exprimé sur le rachat d’Hachette, alors que celui-ci intervient juste avant son départ à la retraite. Si l’industriel breton aime discourir sur la place du livre dans son histoire familiale (sa mère fut lectrice pour la collection « Folio »), les autres groupes d’édition penchent plutôt pour l’appât du jeu, du pouvoir et de l’influence. Ils craignent une politisati­on, se référant à l’empire médiatique que Vincent Bolloré a déjà constitué depuis 2005 (Direct 8, Canal +, Universal Music Group, Prisma, Gameloft, Editis). Un empire qui lui a valu d’être auditionné en janvier par la commission d’enquête sénatorial­e chargée d’évaluer « l’impact de la concentrat­ion des médias sur la démocratie ».

Il paraît peu probable que la fusion Hachette-Editis passe au niveau de Bruxelles. Quelle carte Vincent Bolloré va-t-il jouer ? Plusieurs hypothèses ont été émises dans la presse spécialisé­e, dont la cession d’Editis à un autre groupe, ou une fusion totale d’Hachette et d’Editis suivie de la cession de certaines maisons aux principaux éditeurs concurrent­s, tels Média Participat­ions, Madrigall ou Actes Sud. Ces deux derniers groupes, ainsi que des associatio­ns de libraires et des syndicats, sont montés au créneau contre le rapprochem­ent Hachette-Editis au siège de la Commission européenne à Bruxelles.

Dans la presse, les tribunes d’auteurs, d’éditeurs et de libraires témoignent de l’inquiétude de voir les petites maisons d’édition lésées, de perdre en liberté et en diversité éditoriale­s. Contactés, plusieurs profession­nels employés au sein des groupes Editis et Hachette n’ont pas souhaité répondre à nos questions, estimant qu’ils ne sont pas spécialist­es, qu’il est trop tôt pour en parler et que, pour le moment, ils bâtissent leurs catalogues avec passion. On en reparlera donc, après la fusion.

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Vincent Bolloré à la commission parlementa­ire sur la concentrat­ion des médias, le 19 janvier.

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