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Les bidasses en folie

Après son enfance à Orléans et ses études de commerce à Reims, l’écrivain raconte son service militaire à Verdun, au début des années 1990.

- Louis-Henri de La Rochefouca­uld

Il avait publié Cinquante ans dans la peau de Michael Jackson : pas sûr qu’on aurait aimé passer les cinq dernières décennies dans sa peau à lui. Enfant, il s’est fait battre à plate couture. Étudiant, il a frayé avec des crétins, a conçu avec eux une éphémère feuille de chou antisémite – casserole dont il ne parvient pas à se défaire. Voici la suite des aventures autobiogra­phiques du grand névrosé graphomane qui alterne depuis ses débuts sautes d’humeur et coups de génie : Verdun, où on le voit prendre les armes.

Yann Moix a 24 ans et déprime toujours autant : « L’ennui, après trois années passées à Reims, m’avait suivi jusqu’ici. Partout où j’allais, je l’emportais. » Il devait être beau, l’élève officier de réserve Moix, avec son crâne tondu de frais et son béret bleu marine orné du macaron du 6e régiment du génie… Hisser les couleurs au faîte du mât ne lui remonte pas le moral. Il s’essaie aux manoeuvres, patauge dans la gadoue. On le voit tenir un Famas – il est plus à l’aise avec un stylo. D’abord incorporé à Angers, puis envoyé à Draguignan, Moix se fait martyriser par ses supérieurs. Il prend du galon, passe lieutenant, en poste à Verdun. Ses camarades ne voient pas la vie plus en rose. Un certain Pichon, ancien toxicomane, s’ouvre les veines. Un autre, Cancalon, tente de s’étrangler avec un lacet de rangers. Comme toujours chez Moix il y a de l’humour, mais on est loin de Podium : ici il rit jaune. Pour s’aérer l’esprit, le jeune homme qui vient de découvrir Ferdydurke de Gombrowicz essaie d’écrire un roman. Se retournant sur son passé, le quinquagén­aire d’aujourd’hui digresse sur Gide et la mort de

Péguy (deux grandes obsessions de Moix). On pense bien sûr à Casse-pipe de Céline, mais aussi aux Bidasses en folie de Claude Zidi quand une jeune fille lui rend visite.

Au bout d’une saison en enfer, enfin, c’est la quille. S’agit-il vraiment d’une libération ? Un copain de Reims, Garabédian, lui envoie une lettre : « Nous étions mieux dans la boue, à crapahuter. Nous étions mieux sur la poussière des chemins, dans la rocaille, en sueur, avec notre barda, casque sur la tête. Qui sait si cette année-là n’a pas été la plus belle de notre vie ? » Après Verdun il y aura Paris (son prochain livre à paraître). Si Moix était resté sous les drapeaux que serait-il devenu ? On peine quand même à l’imaginer général. ★★★☆☆ VERDUN YANN MOIX 288 P., GRASSET, 19 €. EN LIBRAIRIES LE 9 MARS.

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