Chroniques insulaires
De Jersey aux Hébrides, les îles britanniques charrient leur lot de mystères et de faits divers, dont se sont inspirées les deux romancières.
Voici deux romans qui ont pour points communs de venir du Royaume-Uni, d’avoir une femme pour auteur, la mer pour décor, et de s’inspirer d’une histoire vraie. Jenny Lecoat, scénariste de séries télé, se penche, dans La Clandestine de Jersey, sur le cas d’Hedwig Bercu, jeune juive de Vienne qui a fui son pays après l’Anschluss et trouvé refuge sur l’île de Jersey, sans imaginer que les nazis vont s’en emparer – Jersey sera la seule zone de Grande-Bretagne occupée pendant la guerre –, l’obligeant à entrer dans la clandestinité. Elle pourra compter sur l’aide de Dorothéa, une habitante qui la cache, mais aussi sur celle d’un officier allemand, dont elle tombe amoureuse. Jenny Lecoat s’était déjà intéressée à cette période de l’histoire de son île natale dans Another Mother’s Son, un film de Christopher Menaul (2017) dont elle a écrit le scénario. Bien documenté, La Clandestine de Jersey donne à voir toute l’ambiguïté des relations humaines en temps de guerre, quand l’opposition ami/ennemi se complique de sentiments et de nuances, et que l’insularité ajoute au drame une dimension de huis clos.
La filiation avec une histoire vraie est bien présente également dans Les Gardiens du phare d’Emma Stonex, quoique de manière plus lointaine. L’autrice s’est inspirée d’un fait divers datant de 1900, quand trois gardiens d’un phare des Hébrides extérieures, à l’ouest de l’Écosse, se sont volatilisés de manière inexplicable. Emma Stonex transpose l’affaire dans les années 1970 et ajoute une seconde couche au scénario, située vingt ans plus tard : les compagnes des trois disparus se confient sur ce mystère irrésolu qui a fait basculer leur existence, interrogées par un écrivain qui enquête sur le drame. Gros succès en Angleterre, Les Gardiens du phare mêle habilement le suspense (que s’est-il passé dans le phare ?), l’étude psychologique (qu’y a-t-il dans la tête d’hommes isolés en mer pendant des semaines, et dans celle de leurs épouses abandonnées), voire le polar (l’entreprise qui gère le phare a-t-elle étouffé la vérité ?), dans un décor spectaculaire et inamical – la haute mer, les éléments déchaînés – qui fait presque office de quatrième personnage.