DÉMONS ET MERVEILLES
Spécialisées dans les littératures asiatiques, les éditions Picquier n’ont pas pour habitude de donner dans l’outrance publicitaire : quand elles étiquettent un roman « chef-d’oeuvre », il importe donc d’aller voir, en l’espèce ici cette
Traversée des sangliers. C’est ainsi que l’on se retrouve à Bornéo, en 1941, dans une communauté sinophone peuplée de chasseurs opiomanes, elle-même prise dans une jungle de narrations inextricables. Au milieu, l’histoire du Bouk aux Sangliers, leur village, jadis conquis sur les suidés puis occupé par les « monstres » – les envahisseurs japonais, menés par un officier qui n’aime rien tant que de découper les enfants vivants à l’aide de son précieux sabre. Autour, une foule de récits impliquant des crocodiles dont on crève l’oeil avec une épingle à cheveux, une gardienne de cimetière qui drogue les enfants mais les cache aussi des « monstres » et abat à coups de faux la tête de vampire volante qui hante le village.
Il y a de l’espionnage (qui a dénoncé les membres du comité aux Japonais ?) et des scènes d’une violence inouïe que seul un usage très particulier de la poésie nous permet d’avaler. C’est d’ailleurs pour cette poésie, qui tire ses images de la nature, qu’on laisse d’abord défiler les pages, avant de se retrouver pris dans la multitude d’intrigues. Dès lors, grâce à Zhang Guixing, on renoue ainsi avec un plaisir de lecture très particulier : celui de se confronter à un monde étranger, converti en livre par une magie littéraire elle-même radicalement différente de celle pratiquée sur nos terres ! Une seule référence vient à l’esprit :
Cent ans de solitude, de García Márquez. Un autre chef-d’oeuvre…