Argent trop cher
Dans son premier roman, la poétesse espagnole dresse deux magnifiques portraits de femmes désargentées.
Voici un premier roman beau de maîtrise et d’intelligence, que l’on voudrait voir vivre longtemps. Celle qui nous le livre est une jeune autrice talentueuse, Elena Medel, inconnue de nous, mais déjà plébiscitée en Espagne pour ses recueils de poésie. Avec Les Merveilles se présentent deux femmes, dont les trajectoires sont différentes mais qui ont en commun un statut précaire – et autre chose, dont la teneur nous parvient à la fin, magnifique. Elena Medel voulait parler de cela, de la manière dont le manque d’argent oriente le cours d’une vie, en limite les possibles.
Installées à Madrid, Alicia et María ne se connaissent pas. La première, trentenaire, travaille dans une boutique de gare. « Gosse de riche qui un jour s’est retrouvée pauvre », elle revit toutes les nuits le suicide de son père, qui a fini criblé de dettes. La seconde, la cinquantaine, est femme de ménage et évolue loin de sa fille, élevée par sa famille. Tout au long du roman, « la voix de [leur] mémoire parle », convoquant quelques souvenirs d’une existence qui, sans doute, auraient été « tout autre avec de l’argent ». Engagée pleinement dans son écriture, Elena Mendel dessine très finement leur solitude, choisie pour une part, subie pour une autre, qui tient alors à une forme d’invisibilisation entourant les personnes aux revenus modestes. « Ce qu’on ne voit pas n’existe pas », lit-on plusieurs fois, et la phrase donne leur sens à bien des aspects du récit. De notre place, nous les regardons, alors elles existent. Elles se tiennent droites, admirables, donc merveilleuses. ★★★★☆ LES MERVEILLES (LAS MARAVILLAS) ELENA MEDEL TRADUIT DE L’ESPAGNOL PAR LISE BELPERRON, 224 P., LA CROISÉE, 20 €.
EN LIBRAIRIES LE 2 MARS.