Matière grise étoilée
La collection « Bouquins » rassemble les livres les plus marquants de l’astrophysicien et grand vulgarisateur. Réjouissant.
L «es étoiles sont nos ancêtres et nous partageons tous la même généalogie cosmique » : cet humanisme étoilé, au ton si poétique, est celui de Trinh Xuan Thuan, le plus lyrique des astrophysiciens partageant avec le grand public les acquis de la recherche. Chez lui, les idées habituellement attribuées aux sagesses anciennes renaissent avec une facilité déconcertante à partir des découvertes les plus contemporaines. L’introduction de l’aléatoire par la physique quantique ? L’occasion de méditer sur l’impermanence, si centrale dans le bouddhisme comme dans la philosophie grecque. Les incertitudes dont tient compte la théorie du chaos ? Une manière de renouveler l’idée pythagoricienne de la musique des sphères, désormais conçue sur le modèle du jazz (Le Chaos et l’Harmonie). Selon lui, on retrouve même Héraclite dans les observations des télescopes les plus performants, car « tout change, tout bouge, tout évolue dans le ciel ».
En rassemblant ses livres les plus marquants, notamment son dialogue avec le moine bouddhiste Matthieu Ricard (L’Infini dans la paume de la main), ce gros volume, Beauté et harmonie de l’Univers, a l’inconvénient d’être un peu intimidant ; mais il suffit de s’y plonger pour ne plus vouloir en sortir. Car non seulement Trinh Xuan Thuan rend accessibles les connaissances physiques les plus pointues, mais il rend surtout explicites les réponses métaphysiques et spirituelles qui s’en dégagent. Est-ce qu’il outrepasse alors les limites de la science ? Pas autant qu’on pourrait le croire. En effet, les savoirs les plus rigoureux ne se trouvent pas seulement du côté des objets, mais aussi dans la manière dont les sujets des sciences peuvent faire retour sur eux-mêmes et formuler ce qu’ils sont. Là se trouve l’originalité de Trinh Xuan Thuan. Fort de son audace, il peut alors glaner chez Poincaré ou Einstein leur définition de la beauté avant de se lancer dans l’histoire du système solaire, de décrire la symétrie des flocons et de suivre l’évolution du vivant jusqu’à la conscience.