Proust de A à Z
Deux livres, sous forme de dictionnaire, feront les délices des proustolâtres. Mais pourront aussi aider à la conversion des proustosceptiques en proustophiles.
Dans le flot ininterrompu – et toujours réjouissant ! – des publications sur Marcel Proust, Mathilde Brézet reprend et amplifie, avec Le Grand Monde de Proust, l’idée du Bottin proustien de Michel Erman, en s’inspirant du classique Balzac et son monde de Félicien Marceau : elle étudie par ordre alphabétique une centaine de personnages de la Recherche, sur les 2 500 environ que comporte l’oeuvre, les uns incontournables (Charlus, Françoise, Norpois, Elstir), d’autres moins connus (le professeur Dieulafoy, Lady Israëls). Trois difficultés s’élèvent devant une telle entreprise, dont l’auteure s’explique dans son avant-propos : faut-il forcément chercher les « modèles » des personnages, faut-il toujours associer les personnages à des « idées » – au risque de les dépouiller de leur « chair dense », qui fait que rien chez Proust n’est jamais didactique –, comment photographier des personnages dont la première caractéristique est d’évoluer tout au long du roman. On peut parcourir ce Grand Monde dans l’ordre ou le désordre, en allant d’abord aux personnages qui nous touchent le plus, tels le scintillant Bloch ou le pathétique Saniette, auquel Mathilde Brézet consacre une belle notice.
Toujours sous la forme d’un dictionnaire, Isabelle Serça se penche avec son équipe sur ce que Proust nous dit à propos du temps : issu d’un programme de recherches interdisciplinaires, Proust et le temps confronte des extraits de la Recherche à la physique, aux neurosciences, à la linguistique ou à la sociologie, autour de notions communes à l’écrivain et aux savants – la mémoire, la réminiscence, l’anachronisme, l’intermittence ou l’interpolation, classées par ordre alphabétique. Une fois passée la surprise de croiser Einstein, Popper ou Niels Bohr dans un livre sur un tel sujet, il est difficile de ne pas se passionner pour ces études vivantes et pédagogiques, qui ouvrent à la fois des perspectives sur Proust à partir des sciences, et des perspectives sur les acquis de la science à partir de ce grand styliste métaphysique.