DURAS-ANDRÉA, L’AMOUR EMPÊCHÉ
Au départ de l’histoire ici racontée, il y avait eu la projection de India Song dans un cinéma d’art et d’essai », écrivait Marguerite Duras (Yann Andréa
Steiner, P.O.L, 1992) au sujet de sa rencontre avec un jeune homme de trente-huit ans son cadet, homosexuel, qui deviendrait pourtant le dernier compagnon de son existence. De 1980 à la mort de l’écrivaine en 1996, Yann Lemée assiste et protège Duras qui, en retour, fait de lui un personnage de roman, effaçant le nom du père pour lui préférer le prénom de la mère : Yann Andréa rejoint ainsi Lol V. Stein et Aurélia Steiner au répertoire des
icônes veut tout durassiennes. aussi romanesque. Le quotidien Victime se consentante, Yann Andréa se laisse vampiriser par celle qu’il admire depuis sa lecture des Petits chevaux
de Tarquinia (Gallimard, 1953). « Elle veut être la préférée. La seule. À tous. À tout le monde », affirme-t-il
dans Cet amour-là (Pauvert, 1999), récit-confidence d’une relation singulière, empêchée par l’impossibilité du désir physique. Cette impossibilité inspire Les Yeux
bleus, cheveux noirs (Minuit, 1986) :
« C’est l’histoire d’un amour, le plus grand et plus terrifiant qu’il m’a été donné d’écrire », un « amour perdu » entre une femme et un homosexuel. « La passion passait par là, par la détestation du corps de la femme, indiquait Duras dans un entretien au Matin. C’était haïssable et, à me détester le corps, il devenait, lui,
haïssable. » À la mort de son pygmalion, Yann Andréa témoigne de son deuil impossible, puis s’efface de la scène littéraire, son nom à jamais lié à celui qui lui répond en une allitération.