Au plus près du tsar Poutine
Ancien collaborateur de Matteo Renzi, Giuliano da Empoli raconte brillamment le destin de l’un des plus proches conseillers de Poutine.
On ne lâche pas ce livre. Un roman ? Pas tout à fait, l’homme existe vraiment et c’est son histoire. Une biographie ? Non plus, sa vie privée est imaginée par l’auteur. Assis au fond d’un canapé de la datcha de Vadim Baranov, nous suivons les soubresauts de la vie du « nouveau Raspoutine », « du mage du Kremlin ». Une éminence grise, au service d’un homme plus gris encore : Vladimir Poutine. Baranov, un homme d’apparence banale, mais d’une intelligence si particulière qu’il aura une place à part et un pouvoir incommensurable jusqu’à l’anticipation de sa disgrâce. « On n’échappe pas à son propre destin et celui des Russes est d’être gouvernés par les descendants d’Ivan le Terrible, on peut inventer tout ce qu’on voudra, la révolution prolétaire, le libéralisme effréné, le résultat est toujours le même : au sommet, il y a les opritchniki, les chiens de garde du tsar. » Vladimir Poutine est un mystère. La situation géopolitique actuelle nous fait nous interroger sur l’ancien patron du KGB héritier de « l’éternel complexe du barbare de la frontière ». Avec Le Mage du Kremlin, Giuliano da Empoli, dont on a pu lire la plume, ponctuellement, dans les pages du Magazine littéraire, réussit à nous faire pénétrer dans la psyché de l’homme autant que dans celle de la Russie. L’histoire personnelle qu’il tisse est aussi captivante que les stratégies politiques qui se dessinent au fur et à mesure. « Une politique des profondeurs, jour et nuit, sans aucune interruption » à partir du moment où « le fonctionnaire ascétique » se transforme soudainement en « archange de la mort », promettant d’aller chercher les terroristes dans les cabinets. « Faites-moi confiance », dit Poutine au jeune intellectuel, au tout début de leur conquête du pouvoir, « les imprévus sont toujours les fruits de l’incompétence ». Poutine, on ne sait pas, mais nous, nous n’avons quitté le camarade Baranov qu’à regret.