Peut-on encore lire l’écrivain à scandales ?
Le Dilettante réédite quatre textes de Marc-Édouard Nabe, qui s’est désormais réfugié dans l’autoédition. L’occasion de s’interroger, au-delà de tout jugement moral ou idéologique, sur ce qu’a été son oeuvre. Pour le meilleur et pour le pire.
Évidemment, le sujet Marc-Édouard Nabe est ô combien épineux, en raison de ses innombrables provocations (en premier lieu les accusations d’antisémitisme ou de défense du terrorisme islamique). Retiré du commerce éditorial traditionnel au profit de l’autoédition (avec un certain succès économique), l’auteur de L’Enculé fait aujourd’hui un accroc à sa règle de se publier lui-même, en vigueur depuis douze ans : au nom de sa vieille amitié avec Dominique Gaultier, il réédite au Dilettante les quatre plaquettes qu’il a publiées dans cette maison de 1986 à 1993, ainsi que la préface écrite en 2009 pour la réédition d’Au régal des vermines, son premier roman. Le tout est coiffé d’une introduction où il raconte ses « années Dilettante » : son arrivée via Jackie Berroyer, le management loufoque de Gaultier, l’image équivoque à l’époque de cette maison qui publie Limonov et Rebatet. Il se trouve qu’avec Ylipe et Choron, ces noms sont tout ce que Nabe sauve du catalogue ; le reste – Anna Gavalda, Henri Calet, etc. – est nul à ses yeux.
On redécouvre dans ce volume, à côté de deux solos sur des jazzmen – Albert Ayler (La Marseillaise) et Django Reinhardt (Nuage) –, les poèmes dispensables et plaisants de Loin des fleurs (1998) et les fragments de Chacun mes goûts (1986). Nabe, 28 ans, y prouve combien les siens sont mauvais: bêtises scatologiques, provocations douteuses, rien ne manque. Reste que ce recueil contient aussi des perles, des fanfaronnades scintillantes, et des devises à l’énergie intacte : « Il faudrait écrire des phrases comme on dresse des guillotines » ! Les uns passeront leur chemin par principe, l’auteur étant décidément trop « infréquentable » ; les autres iront y voir, précisément pour cette raison. Une chose est sûre, s’il a sa place dans ce journal, c’est dans la présente rubrique, celle des mauvais esprits.
L’INTÉGRALE MARCÉDOUARD NABE 288 P., LE DILETTANTE, 30 €