Lire

« À chaque livre, j’essaie d’adopter un style différent »

Écrivain, poète, scénariste… Sjón est un homme à l’agenda chargé : son dernier livre, Blond comme les blés, est paru en début d’année aux éditions Métailié, et The Northman, qu’il coécrit, sort tout juste en salles. Entretien avec un auteur aux multiples

- Propos recueillis par Ilan Ferry

Vous avez commencé votre carrière en écrivant des poèmes, comment s’est passée cette rencontre avec la poésie ?

Sjón. Enfant, je lisais beaucoup de poésie, ce qui n’était pas courant vu mon jeune âge. J’aimais l’idée de concevoir des images avec des mots. À l’âge de 14 ans, j’ai découvert la poésie du XXe siècle. C’est là que j’ai vraiment compris le pouvoir de la poésie et sa capacité à créer des émotions. J’ai publié mon premier recueil de poésie à 16 ans. J’étais très influencé par David Bowie et sa manière très particuliè­re d’utiliser les mots, héritée du dadaïsme et de la Beat Generation.

Il y a une forme de musicalité dans votre style…

S. La poésie, telle qu’elle est pratiquée dans la culture islandaise, est toujours liée à une certaine forme d’oralité. Pour moi, c’est un art qui relève autant du parler que de l’écrit. Dans chaque livre que j’écris, je tente à chaque fois d’adopter un style différent. Pour Blond comme les blés, mon dernier livre, je me suis essayé à un style plus direct, journalist­ique.

Comment êtes-vous passé de la poésie à l’écriture de romans ?

S. Entre 1978 et 1986, j’ai écrit beaucoup de poèmes et je faisais partie d’un groupe d’artistes appelé Medusa, très influencé par le mouvement surréalist­e. C’était une époque très fertile pour la culture islandaise. En 1986, un important éditeur m’a contacté pour publier un recueil de mes poèmes. À ce moment-là de ma vie, j’estimais être allé au bout de ma période surréalist­e et voulais m’essayer à l’exercice de la fiction en écrivant un roman. En poésie, on parle toujours de soi, je voulais créer des personnage­s qui ne soient pas moi. J’ai écrit mon premier roman, Stálnótt, en 1987. Il s’agissait d’une histoire postapocal­yptique très sombre à propos de quatre enfants qui ramenaient à la vie une créature voleuse de corps. J’ai pris beaucoup de plaisir à l’écrire.

Quels auteurs vous ont influencé ?

S. Outre le surréalism­e, j’aime beaucoup les oeuvres de Gustav Meyrink et Mikhaïl Boulgakov. J’ai beaucoup appris d’eux

notamment à ne pas craindre de faire coexister plusieurs genres au sein d’une même histoire. C’est ce qu’a fait Mikhail Boulgakov avec Le Maître et Marguerite, qui est à la fois une histoire d’amour mais également une satire politique aux accents surnaturel­s.

Vous êtes également scénariste, comment définiriez-vous votre rapport au cinéma ?

S. J’ai grandi dans la banlieue de Reykjavik où, bien qu’étant une petite ville, on trouve beaucoup de cinémas. Enfant, j’ai eu l’occasion de voir de nombreux films et c’est comme ça que je suis tombé amoureux du septième art. J’ai grandi avec Robert Altman, John Cassavetes et Jean-Luc Godard.

Comment êtes-vous arrivé sur The Northman ?

S. J’ai rencontré Robert Eggers, le réalisateu­r, à l’occasion d’un dîner organisé par Bjork qui était fan de son travail et s’est débrouillé­e pour qu’il vienne la voir par l’intermédia­ire d’amis communs. Lors de ce dîner, Robert et moi nous sommes découvert beaucoup de points communs, son film, The Witch, ressemblan­t beaucoup à un livre que je venais d’écrire. Un an plus tard, Robert m’appelle pour me parler d’un projet qui se déroulerai­t en Islande au Xe siècle et voulait que je collabore avec lui pour l’écriture. Il voyait des similitude­s avec mes livres, qui contiennen­t beaucoup d’éléments surnaturel­s et religieux en lien avec le folklore islandais. Sur The Northman, nous avons pris ce qui constituai­t les fondements des croyances de l’époque et les avons refaçonnée­s de manière qu’elles fassent écho à notre propre sensibilit­é tout en restant historique­ment justes.

Quelle forme d’art que vous n’avez pas encore explorée vous attire ?

• S. J’aimerais beaucoup travailler sur un jeu vidéo, ce que je n’ai encore jamais fait. Je suis très intéressé par les possibilit­és qu’il offre et comment le médium peut casser les codes sur le plan de la narration.

 ?? ??
 ?? ?? BLOND COMME LES BLÉS (KORNGULT HÁR, GRÁ AUGU) SJON
TRADUIT DE L’ISLANDAIS PAR ÉRIC BOURY,
128 P., MÉTAILIÉ, 16 €
BLOND COMME LES BLÉS (KORNGULT HÁR, GRÁ AUGU) SJON TRADUIT DE L’ISLANDAIS PAR ÉRIC BOURY, 128 P., MÉTAILIÉ, 16 €

Newspapers in French

Newspapers from France