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« Plus de trente films ont été tirés de mes histoires »

- Propos recueillis par Baptiste Liger (avec I.F.)

Petit-fils du chef des jeunesses hirlérienn­es, l’ex-star du barreau allemand Ferdinand von Schirach s’est imposé comme l’un des écrivains les plus populaires outre-Rhin. S’il est connu pour ses nouvelles, il a aussi signé des romans comme L’Affaire Collini, porté à l’écran par Marco Kreuzpaint­ner. Entretien avec l’homme de droit devenu homme de lettres.

Lorsque vous avez une histoire en tête, savez-vous immédiatem­ent si elle va donner lieu à une nouvelle ou à un roman, comme L’Affaire Collini ?

La vie d’une personne, quelle qu’elle soit, peut être racontée en dix pages : parler, dans les existences, des ruptures qui ont fait que les gens ont bifurqué ou pas. Je suis plus naturellem­ent intéressé par l’épure, la simplicité. D’ailleurs, je ne me vois pas comme un auteur de romans, même si j’en ai écrit deux.

Justement, l’adaptation de votre roman, qui évoque l’assassinat d’un industriel allemand dont le passé nazi a été caché par les autorités, sort aujourd’hui en salles. Quelle a été la genèse du film ?

Vous savez, plus de trente films – pour l’essentiel, à la télé – ont été tirés de mes histoires. L’une des originalit­és de L’Affaire Collini, c’est que le protagonis­te est joué par Elyas M’Barek, une véritable star en Allemagne pour ses prestation­s comiques. En jouant cet avocat devant défendre cet Italien accusé du meurtre d’un grand notable allemand, il tenait là son premier rôle sérieux. Aussi, le film, très différent dans sa structure, ne retient qu’une partie de mon roman, abordant essentiell­ement l’aspect du droit et comment il s’est développé dans la République fédérale. Je suis fier que mon ouvrage ait eu des conséquenc­es très concrètes : le ministère de la Justice a en effet missionné une commission d’historiens pour enquêter pendant trois ans sur les faits décrits dans le livre.

Quel regard portez-vous sur les adaptation­s cinématogr­aphiques de vos oeuvres ?

Je vous jure qu’aucun écrivain au monde ne vous dirait qu’il est satisfait des adaptation­s de ses oeuvres [rires] ! Si je faisais moi-même ces films, ils seraient muets, tournés en noir et blanc et très lents ! J’aime bien que des libertés soient prises par rapport à mes oeuvres. C’est ma position, d’autres auteurs ne la partagent pas forcément. On peut le regretter, mais c’est ainsi : les personnes qui regardent les films et celles qui lisent les livres sont très différente­s.

La Ruse fait partie de ces films qui explorent l’histoire mondiale tout en optant pour un romanesque assumé. En l’occurrence, c’est justement réussi parce que le réalisateu­r John Madden sait où il met les pieds et sa caméra : respecter les faits historique­s, dramatiser les enjeux, imaginer un récit à suspense.

Et il a de quoi faire : en 1943, les alliés, sous autorité britanniqu­e, mettent en place un plan pour faire croire aux Allemands que le débarqueme­nt aura lieu ailleurs qu’en Sicile et ainsi éviter un massacre. S’ensuivent : vrai cadavre, fausses lettres, vraie manipulati­on, faux espoirs, vraie tension, faux espions… Tout le monde, du réalisateu­r au casting (excellents Colin Firth et Matthew Macfadyen, le gendre de la série Succession), se prête au jeu avec entrain. Qualité supplément­aire : la mise en lumière d’une page de la Seconde Guerre mondiale peu connue. Ou quand le cinéma se fait pédagogiqu­e. Cette modestie-là l’honore.

(En salles)

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 ?? ?? L’Affaire Collini, de Marco Kreuzpaint­ner, avec Elyas M’Barek, Alexandra Maria Lara, Franco Nero… (En salles le 27 avril)
L’Affaire Collini, de Marco Kreuzpaint­ner, avec Elyas M’Barek, Alexandra Maria Lara, Franco Nero… (En salles le 27 avril)
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