On ne badine pas avec l’humour
L’adaptation du livre de Jean Teulé brosse le portrait d’un homme amoureux. Un spectacle vif, à la fois fin et drôle.
En matière de transposition de romans pour la scène, les exemples de vraie réussite sont plutôt rares. Ainsi, en ce moment, se donne à Paris Le Montespan. Il fallait un certain culot pour imaginer restituer sur scène, dans toute leur extravagance, les mésaventures à la fois tragiques et rocambolesques de Louis-Henri de Pardaillan, marquis de Montespan, devenu « fou » de chagrin parce qu’il s’était fait piquer son épouse par Louis XIV ? Raconter les kyrielles de tours, d’inventions et de subterfuges que ce marquis imagina pour récupérer sa femme avait demandé plus de 300 pages à Jean Teulé dans son roman éponyme, multiprimé. Avec une habileté de dentellière, la comédienne Salomé Villiers parvient à les faire « revivre » dans toute leur saveur, en un spectacle qui se déroule sur… quarante-quatre ans et met en scène, dans vingt et un lieux différents, vingtsix personnages, ici interprétés par trois comédiens prodigieux : Salomé Villiers joue tous les rôles féminins de la pièce ; Simon Larvaron interprète le cocu de l’histoire avec une subtilité empreinte de douleur et de douce folie, et Michaël Hirsch incarne à lui tout seul la vingtaine de personnages restants avec une maestria et une drôlerie qui laissent d’autant plus pantois qu’elles ne sont jamais caricaturales.
Accompagné par des musiques de Lully, donné dans des costumes de l’époque, le spectacle est vif, captivant, tour à tour truculent, drôle et pathétique. On oublie l’étroitesse de la minuscule scène du théâtre de la Huchette tant le décor, malin, constitué de jeux de lumière, de panneaux de bois peints coulissants et de voiles transparents, crée l’illusion de nous transporter dans des endroits différents. Du pur théâtre. Magique.