Cuba, pour vivre et pour écrire
Une somme d’essais, particulièrement instructifs sur les méandres de la création, signés du grand auteur cubain Leonardo Padura.
J «e voudrais être Paul Auster. » Sous la plume de l’emblématique écrivain cubain, ce mot d’humour, d’apparence anodine, dessine la frontière symbolique qui distingue la vie littéraire cubaine des autres. En interview, quand l’écrivain américain répond à de plaisantes questions sur la littérature, son homologue caribéen doit systématiquement donner son point de vue sur l’avenir de son pays. En effet, tous les textes réunis dans ce recueil d’essais sur l’écriture tournent autour de cette « divine trinité » qui conditionne la vie et l’oeuvre de Leonardo Padura : être un écrivain cubain, qui vit et écrit à Cuba. Ce que le poète Virgilio Piñera appelle « la maudite circonstance de l’eau de toutes parts » en est la matérialisation. De part et d’autre du Malecón, serpent de pierre délimitant la frontière cubaine, il y a la « sensation d’enfermement » et, de l’autre côté du mur, « le fléau de la nostalgie » des exilés.
Penchons-nous sur ce que ces textes ont d’universel et d’éclairant dans l’apprentissage de l’écriture. Dans quel but écrit-on ? L’auteur élude cette question par la description du cheminement de son processus créatif, dans l’écriture de quelques-uns de ses romans. En créant son personnage Mario Conde, policier très littéraire et même anti-policier, l’auteur fait céder « les verrous de la création littéraire ». Au-delà de la simple création d’une énigme, voici ce qui définit le polar : créer des personnages dotés « d’une épaisseur qui en fassent les référents de réalités sociales et historiques », auxquels le lecteur s’identifie. Quant aux coulisses de l’écriture de L’homme qui aimait les chiens, elles sont un véritable traité de méthodologie de la documentation. Enfin, l’essai le plus passionnant est sûrement celui intitulé « La raison d’être du roman », ou comment décrire les comportements de la condition humaine.